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Aqemia : à la recherche de nouvelles molécules thérapeutiques

Innovation Article publié le 17 avril 2024 , mis à jour le 17 avril 2024

Cofondée en 2019, la start-up parisienne Aqemia promet de révolutionner la recherche de nouvelles molécules thérapeutiques. Avec une technologie alliant intelligence artificielle et mathématiques de pointe, les candidats médicaments y sont découverts 10 000 fois plus efficacement que chez les entreprises concurrentes.

L’histoire d’Aqemia commence à l’École normale supérieure rue d’Ulm, où son cofondateur, Maximilien Levesque, opère en tant que chercheur CNRS en physique statistique et quantique. « En 2017, je travaille alors sur une équation restée sans solution et découvre qu’elle peut être utilisée pour la recherche de médicaments. De là me vient l’idée de créer Aqemia », raconte l’intéressé qui, l’année suivante, participe au concours des start-up d’Ulm, le remporte et rencontre à cette occasion Olivier Vaury, directeur des finances d’Amazon France. « Il me met en contact avec Emmanuelle Martiano, diplômée de CentraleSupélec faisant du conseil en stratégie auprès de grands groupes. Elle devient la cofondatrice d’Aqemia et prend la position de COO », développe le CEO de cette entreprise qui voit officiellement le jour en 2019.


Une technologie mêlant intelligence artificielle et mathématiques

Rechercher des médicaments grâce à l’invention très efficace des candidats thérapeutiques de manière in silico (essais développés au moyen de calculs informatisés) est la raison d’être d’Aqemia. Soixante personnes travaillent sur des algorithmes uniques pour designer des petites molécules qui, dans le futur, serviront à traiter de nombreuses maladies.

Deux types de technologies sont opérées par la start-up : l’intelligence artificielle (IA) générative et les mathématiques physiques. « Nous utilisons une IA générative qui invente des molécules. Ce n’est pas difficile à réaliser, d’autres entreprises le font déjà. Toute la complexité réside dans le test d’activité de ces molécules sur leur cible thérapeutique, puis de leur non-toxicité », précise Maximilien Levesque. C’est ici qu’interviennent les mathématiques. Elles testent à l’échelle atomique si les molécules générées par l’IA correspondent bien à la cible thérapeutique grâce à des calculs d’énergie libre de liaison. Ce test virtuel donne le résultat à l’IA qui apprend et produit une nouvelle substance plus adaptée. Et ainsi de suite jusqu’à ce que la technologie propose une molécule très active sur la cible thérapeutique, libre d’utilisation (c’est-à-dire non brevetée) et non toxique. Une fois ces caractéristiques validées, la substance est fabriquée et analysée par des prestataires extérieurs.

À l’inverse des autres technologies disponibles sur le marché, basées sur une IA qui requiert des données expérimentales pour s’entraîner, Aqemia découvre des médicaments dès la première étape grâce à la génération de ses propres informations. Elles proviennent des algorithmes de physique statistique et quantique brevetés par l’ENS-PSL et le CNRS, dont Aqemia possède une licence d’exploitation exclusive, mondiale et tous domaines confondus.

« Notre cycle virtuel nécessite quelques huitaines. La molécule est synthétisée en une poignée de semaines également, puis est testée », se félicite le CEO. La start-up a lancé plus d’une dizaine de projets thérapeutiques internes, en oncologie et en immuno-oncologie, mais aussi dans de nouveaux domaines thérapeutiques comme l’immunologie, l’inflammation ou les maladies du système nerveux central.

À ce jour, Aqemia avance trois projets pour lesquels des tests sont en cours sur l’animal. Après l’étape de validation in vivo, la start-up devra rédiger le cahier de charges préclinique chez l’animal puis déposer un dossier pour commencer les analyses chez l’être humain.
 

Une croissance dynamique

Dès sa création, la start-up bénéficie d’aides précieuses. PSL-Valorisation de l’Université Paris Sciences et Lettres prend en charge le transfert de technologie et la propriété intellectuelle et industrielle, et à partir de septembre 2019, l’incubateur de start-up Agoranov à Paris prend la start-up sous son aile. La même année, Aqemia lance sa première levée de fonds d’un million d’euros auprès du fonds d’investissements Elaia - PSL Innovation Fund qui entre alors au capital. Les levées de fonds s’enchaînent ensuite tous les ans : 10 millions d’euros grâce à Eurazeo, un groupe d’investissement, 20 millions de BPI France large venture, et enfin 30 millions d’euros récoltés fin 2023 auprès de Wendel Growth, filiale consacrée au capital-risque du géant français de l’investissement Wendel. Quelques business angels, venant notamment des mondes de la recherche publique, de l’industrie pharmaceutique et des start-up Tech, contribuent également à ces financements. Avec plus de soixante millions d’euros collectés, Aqemia agrandit son équipe, développe son produit et son pipeline de programmes thérapeutiques interne et déménage dans de nouveaux bureaux parisiens.

Toujours dans un esprit de croissance, Aqemia ratifie dans la foulée des partenariats avec des grands noms de l’industrie pharmaceutique. En décembre 2021, la start-up annonce sa coopération avec le groupe pharmaceutique français Servier pour le développement de médicaments. Un contrat renouvelé en 2023 pour la découverte de nouvelles molécules en immuno-oncologie, sur une cible thérapeutique réputée difficile.

« En décembre 2023, nous avons signé un accord commercial d’une valeur de 140 millions d’euros avec Sanofi, l’un des dix plus grands groupes pharmaceutiques mondiaux », se réjouit Maximilien Levesque. Une précédente collaboration avec ce groupe remonte d’ailleurs à 2020, lors de la lutte contre le SARS-CoV-2, le virus à l’origine du Covid-19, et alors que le vaccin de Sanofi se fait attendre. Le CEO d’Aqemia poursuit : « Quand nous travaillons avec des entreprises pharmaceutiques, elles nous apportent un problème thérapeutique et nous proposons des solutions avec notre technologie ».

Dans les prochains mois, la jeune pousse espère démultiplier ses projets thérapeutiques en interne et les valider dans des modèles animaux. « Notre objectif est de commencer des essais cliniques chez l’être humain d’ici 2025 ou 2026 », explique Maximilien Levesque. En plus de ces objectifs au sein de l’Hexagone, Aqemia vise, dans un futur proche, se faire une place sur le marché américain. L’entreprise souhaite s’implanter à Boston (Massachusetts), l’un des hubs les plus concentrés en biotech et en pharma au monde et qui attire de nombreux fonds d’investissement et d’ingénieurs qualifiés.

Mais pour couvrir ces projets ambitieux, Aqemia doit s’armer de plus de mains. « Nous sommes actuellement une soixantaine mais espérons doubler nos effectifs d’ici 2025. Nous recrutons donc énormément de personnes avec des profils très scientifiques et un background en biologie et en chimie, même sans connaissance en informatique. Nous avons besoin d’elles pour interpréter nos résultats. Et bien sûr, nous recherchons des personnes venant du logiciel, du machine learning, des mathématiques et de la physique atomistique et numérique », conclut le CEO d’Aqemia.