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Beams : la Medtech au service de la chirurgie oncologique

Innovation Article publié le 09 décembre 2022 , mis à jour le 09 décembre 2022

Crée en mars 2021, la start-up Beams est issue des travaux de recherche réalisés au sein du Laboratoire de physique des 2 infinis - Irène Joliot-Curie (IJCLab – Univ. Paris-Saclay, CNRS, Univ. Paris-Cité). Cette start-up Medtech développe une sonde, dédiée à l’amélioration de la chirurgie des tumeurs solides.

La start-up Beams est née de la rencontre entre deux chercheurs. En 2007, Stéphane Palfi, professeur en neurochirurgie, chef du département de neurochirurgie de l’hôpital Henri Mondor et chef du groupe Biothérapies à l’Institut Mondor de recherche biomédicale (IMRB – Univ. Paris-Est Créteil), contacte Laurent Ménard, enseignant-chercheur à l’Université Paris-Cité et membre d’IJCLab. Il souhaite améliorer la qualité de l’exérèse, c’est-à-dire l’ablation des tumeurs cérébrales, afin de proposer de meilleurs traitements à ses patientes et patients et d’améliorer leur qualité de vie. Les approches traditionnelles, basées sur l’imagerie médicale, sont régulièrement insuffisantes pour appréhender l’extension réelle des tumeurs pendant l’intervention. Il s’agit donc de parvenir à une définition plus précise des marges de résection de ces tumeurs, afin de les retirer sans laisser de résidus ni toucher aux tissus sains à proximité. « C’est un enjeu majeur dans le domaine de la chirurgie des tumeurs solides, car les risques de dégradation fonctionnelle ou de récidive, allant parfois jusqu’à 50 % des cas, sont importants », commente Laurent Ménard.

 

Diagnostic et traitement : un outil deux en un

Pour répondre à cet enjeu, l’enseignant-chercheur, spécialisé dans le développement de dispositifs d’imagerie nucléaire pour différentes pathologies tumorales, met au point un instrument. Développé dans le cadre du projet Tumour resection intra-operative probe (TRIOP), il vise, une fois la tumeur identifiée et retirée, à faciliter en temps réel – c’est-à-dire au cours de l’intervention chirurgicale – à la fois la localisation et l’aspiration des résidus tumoraux. Il s’agit ainsi pour le chirurgien, de parcourir la plaie opératoire avec la sonde, qui émet un signal sonore lorsqu’elle détecte un taux élevé de cellules tumorales. Ce guidage est doublé d’une visualisation de la concentration tumorale sur un écran.

 

La médecine nucléaire appliquée à la cancérologie

Pour développer cet outil, Laurent Ménard utilise les techniques issues de la médecine nucléaire, qui couvre actuellement deux grands domaines en cancérologie : le diagnostic tumoral, via l’injection d’un traceur radioactif appelé radiopharmaceutique, qui se fixe préférentiellement sur les cellules tumorales afin de déterminer la distribution de leur concentration dans l’organisme ; et le traitement des tumeurs, grâce à l’irradiation locale des cellules cancéreuses. Le développement proposé par l’enseignant-chercheur et son collègue neurochirurgien s’intègre dans une troisième voie, où les radiopharmaceutiques sont utilisés pour guider en temps réel le chirurgien dans la recherche des tissus tumoraux au cours d’une opération d’exérèse.

 

Détecter les positons dans les tissus

Les technologies actuelles ne sont pas capables d’identifier précisément l’extension de tumeurs et leurs marges de résection. En effet, les radiopharmaceutiques les plus utilisés en médecine nucléaire émettent des positons (l’antiparticule de l’électron, chargée positivement), et lorsque ces particules chargées se propagent dans les tissus, elles disparaissent en émettant des rayonnements gamma. Pour mesurer la distribution de ces radiopharmaceutiques, la méthode d’imagerie utilisée classiquement, à savoir la tomographie d’émission positron (TEP), localise les rayonnements gamma à l’aide d’un détecteur placé à l’extérieur du corps. Cependant, elle n’est pas capable de détecter directement les positons. « Comme notre sonde est en contact avec les tissus opérés, elle peut directement détecter ces particules. Et comme les positons ne parcourent qu’une faible distance, en théorie, notre outil rendra possible une identification beaucoup plus sensible et précise des concentrations de cellules tumorales », s’enthousiasme Laurent Ménard. Pour détecter avec précision les positons, la sonde utilise des fibres optiques claires et scintillantes - qui créent de la lumière lorsqu’elles sont exposées à des radiations - couplées à un système de photodétection miniaturisé.

 

La création de la start-up Beams

Forts de leurs avancées inédites en matière de chirurgie oncologique, les deux collègues souhaitent à un moment les valoriser. « Stéphane et moi n’avons pas l’âme d’entrepreneurs, il nous fallait un moteur pour parvenir à faire passer cette innovation dans le monde industriel », précise Laurent Ménard. Encouragé par le CNRS, il postule en 2020 à son programme d'accompagnement de projets de start-up deeptech RISE. Il y rencontre l’entrepreneuse et mentor Virginie Simon, qui, enthousiasmée par le projet, intègre en tant que CEO l’équipe de création de la start-up. Mi-2020, il recrute une stagiaire, Estelle Villedieu de Torcy, alors étudiante à l’École centrale de Lyon et aujourd’hui directrice générale de la structure. Enfin, en janvier 2022, Bruno Boyer, physicien spécialisé en instrumentation nucléaire, rejoint l’équipe pour gérer la partie R&D du projet. « Le plus difficile pour créer une start-up est de recruter la bonne équipe et nous y sommes parvenus ! », se réjouit Laurent Ménard. La start-up voit le jour en mai 2021.

 

Du prototype au test clinique : un programme ambitieux

Beams, qui a réalisé une preuve de concept, des tests de performance et une première évaluation pré-clinique, est actuellement en phase de développement d’un prototype industriel. L’équipe projette de lancer un programme de tests pré-cliniques en 2024 et vise 2025 pour les évaluations cliniques. « En nous basant sur les demandes de cliniciennes et cliniciens et sur la disponibilité de radiopharmaceutiques, nous avons identifié trois pathologies : les tumeurs cérébrales, les sarcomes et les tumeurs hépatiques », commente Laurent Ménard. Pour y aboutir, la société prévoit de recruter, dès janvier 2023, un directeur ou une directrice technique. Par ailleurs, la start-up, qui a déjà reçu le soutien de la BPI via la Bourse French Tech Emergence, recherche activement des financements. Enfin, en complément des deux brevets sur la sonde TRIOP déjà déposés par le CNRS et exploités exclusivement par la start-up, l’équipe prévoit d’en rédiger de nouveaux. Notamment pour développer certaines fonctionnalités de l’instrument ou même en créer de nouvelles.

 

Vers de nouvelles valorisations

« Lorsque Stéphane et moi avons imaginé l’avenir de Beams, nous n’envisagions pas de créer une start-up pour la revendre rapidement, mais pour mettre en place une structure pérenne, en étroite relation avec nos laboratoires, afin de poursuivre l’aventure sur la durée », note Laurent Ménard. Car les deux scientifiques travaillent sur de nombreux autres projets, dont certains, pourraient aussi faire l’objet de valorisations. Par exemple, le projet de gamma-caméra haute-résolution THIDOS, un système d’imagerie ambulatoire qui estime précisément la dose thérapeutique délivrée aux tissus et contribue à améliorer l’efficacité de la radiothérapie interne. « Nous ne comptons pas industrialiser tout ce que nous développons en laboratoire bien sûr, seulement les projets qui ont un enjeu clinique pertinent », conclut Laurent Ménard.