Aller au contenu principal

Benjamin Besse : mieux comprendre les cancers thoraciques

Portrait de chercheur ou chercheuse Article publié le 23 février 2023 , mis à jour le 03 mars 2023

Benjamin Besse est professeur d’oncologie médicale à l’Université Paris-Saclay et directeur de la recherche clinique de Gustave Roussy. Spécialiste de la prise en charge des cancers thoraciques, il s’intéresse plus particulièrement à l’application des anomalies moléculaires pour personnaliser les traitements, aux biomarqueurs circulants, au développement précoce de médicaments dans les tumeurs thoraciques et les tumeurs malignes thymiques. Il est également co-auteur de plus 250 articles évalués par des pairs et fait partie des 25 scientifiques de l’Université Paris-Saclay les plus cités dans leur discipline en 2022.

« Les patientes et les patients mettent leur vie entre nos mains. Cela créé entre nous des relations extrêmement intenses qui nous obligent à donner le meilleur. C’est vraiment ce que j’aime dans mon travail », confie Benjamin Besse. S’il explique avoir eu une vocation un peu tardive, Benjamin Besse reconnaît qu’une fois ses études de médecine entamées en 1992, il a très vite su que le métier de médecin était fait pour lui. « Moi qui n’avais pas de médecin dans ma famille et donc pas d’idées préconçues sur le métier, j’ai suivi mes études sans "plan de carrière" en tête, uniquement guidé par le plaisir de découvrir », explique le professeur. C’est ainsi qu’il fait son premier stage d’infirmier en oncologie à l’hôpital Foch et se découvre un intérêt pour ce domaine. Une intuition confirmée quelques années plus tard, au moment de son internat en 1999. « Alors que la cardiologie et la réanimation faisaient rêver la plupart de mes camarades, l’oncologie s’est clairement imposée à moi comme une évidence », se souvient Benjamin Besse.

 

L’arrivée à Gustave Roussy : des rencontres déterminantes

Après plusieurs stages dans différents hôpitaux parisiens au cours de son internat, c’est à Gustave Roussy qu’il effectue son stage de 3e année. Il y rencontre Karim Fizazi, oncologue spécialiste de la prise en charge des cancers génito-urinaires, avec qui il effectue une thèse sur les métastases pulmonaires du cancer des testicules, et Jean-Charles Soria, alors chef de clinique et ensuite directeur général de Gustave Roussy. C’est sous sa direction que Benjamin Besse se consacre à une thèse de sciences sur les biomarqueurs liés aux cancers bronchiques. « Tous deux ont été pour moi de vrais mentors. Ils m’ont poussé à faire des choses que je n’aurais peut-être pas entrepris de faire de moi-même, comme par exemple prendre la présidence de l’AERIO, l'association pour l'enseignement et la recherche des internes en oncologie, au sein de laquelle j’ai rencontré des personnes passionnantes », ajoute Benjamin Besse. À l’issue de son cursus médical, il obtient un poste de chef de clinique à Gustave Roussy en 2005 et s’oriente sans aucune hésitation en cancérologie du poumon. « Si ce choix a pu surprendre à l’époque, je ne l’ai jamais regretté par la suite. D’autant plus que, grâce aux deux révolutions majeures qu’ont été les thérapies ciblées et l’immunothérapie, le cancer du poumon est aujourd’hui l’un des cancers où il se passe le plus de choses », précise Benjamin Besse, nommé professeur en 2016.

 

Vers une première réunion de concertation pluridisciplinaire moléculaire sur le poumon

Dès la fin des années 2000, il commence à s’intéresser aux premières thérapies ciblées, considérées plus efficaces et moins toxiques pour l’organisme que les chimiothérapies longtemps utilisées. « Nous avons eu l’opportunité de monter de nombreux programmes passionnants. Je me souviens en particulier de l’essai MATCH-R, dans le cadre duquel notre travail consistait à faire des biopsies sur des patientes et patients avant et après traitements ciblés, pour mieux comprendre les mécanismes cellulaires impliqués dans la résistance à ces nouvelles thérapies », explique Benjamin Besse. Grâce à ces données, personnel clinique et biologistes peuvent se mettre autour d’une table pour déterminer ensemble la meilleure attitude thérapeutique à retenir par rapport à la biologie du cancer. « C’est ainsi qu’on a monté la première réunion de concertation pluridisciplinaire (RCP) moléculaire sur le poumon en 2010 et que nous avons pu, non seulement générer des modèles pour les chercheurs et chercheuses, mais aussi expliquer aux patientes et aux patients les raisons de la progression de leur cancer ou les solutions envisageables. »

 

Démontrer l’intérêt de la biopsie liquide

Dans la continuité de ces premiers travaux, Benjamin Besse s’intéresse par la suite à la biopsie liquide, dont le premier rôle est de se substituer à la biopsie tissulaire pour trouver, via l’ADN tumoral circulant, les anomalies moléculaires des cancers qu’il est possible de cibler par thérapie. « Sur cette approche, nous avons clairement été précurseurs, à tel point que nous avons créé une consultation biopsie liquide pour compenser la disparité d’accès sur le territoire. Conscients de la chance que nous avions de disposer de technologies innovantes, nous avions vraiment à cœur de démocratiser ces avancées. » Poursuivant sur cette thématique de l’ADN tumoral circulant, Benjamin Besse décide d’approfondir l’intérêt de la biopsie liquide dans le cancer du poumon. « Le projet a été sélectionné lors d’une action de recherche hospitalo-universitaire en santé (RHU). L’objectif est, non plus seulement de substituer une biopsie liquide à une biopsie tissulaire, mais de mesurer avec précision la maladie résiduelle après chirurgie, de prédire la sensibilité ou la résistance à l’immunothérapie grâce à des marqueurs biologiques sanguins, d’assurer le suivi des patientes et patients atteints de maladie métastatique. Bref, de mieux prédire la rechute et le suivi des personnes. »

 

Comprendre les marqueurs de sensibilité à l’immunothérapie

Alors que l’immunothérapie naissante suscite de plus en plus d’espoir dans la communauté médicale, en clinique, on s’étonne de constater une hyper progression de la maladie chez 10 % des patientes et patients atteints de cancer du poumon. « Après avoir mis en évidence ce phénomène, nous avons décidé d’essayer de mieux comprendre les marqueurs de sensibilité à l’immunothérapie, en lançant plusieurs études en parallèle. Nous travaillons ainsi avec le Laboratoire d’immunomonitoring en oncologie (LIO) dirigé par Nathalie Chaput, pour mieux comprendre l’impact du profil d’immunosénescence sur la réponse au traitement. Nous nous intéressons également, en lien avec le laboratoire d’Immunologie des tumeurs et immunothérapie contre le cancer (ITIC), dirigé par Laurence Zitvogel, à l’impact du microbiote digestif. Nous essayons aussi de comprendre le rôle du micro-environnement tumoral au sein de l’unité d’Immunologie intégrative des tumeurs et immunothérapie du cancer (INTIM) dirigée par Fathia Mami-Chouaib. Nous sommes convaincus que c’est avec ce genre de recherche translationnelle que nous parviendrons à construire les hypothèses de demain », explique Benjamin Besse. 

 

Le goût du collectif

Tout au long de sa carrière, Benjamin Besse n’a pas hésité à s’engager au sein de différents collectifs. Depuis douze ans, il coordonne ainsi le réseau français des tumeurs malignes thymiques RYTHMIC, né à l’initiative de l’Institut national du cancer (INCa) pour coordonner la prise en charge des patientes et patients atteints de ces tumeurs rares. « Grâce à ce réseau, nous avons constitué une base de données colossales, à l’origine de très nombreuses publications », explique-t-il. Il a présidé entre 2015 et 2021 le groupe poumon de l’European Organisation For Research And Treatment (EORTC) au sein duquel il a eu à cœur de faire de la place aux jeunes chercheurs et chercheuses. « Nous avons imaginé que chaque essai soit porté par un binôme associant un chercheur ou une chercheuse expérimentée et un chercheur ou une chercheuse de moins de 40 ans. Une décision dont on a tout de suite pu mesurer les effets comme en témoigne le dynamisme à l’œuvre actuellement au sein de ce groupe. » Et quand on lui demande quel conseil il aime à donner à ces jeunes qui embrassent la carrière médicale, sa réponse est simple : « Le même que celui donné au début de ma carrière par Jean-Charles Soria : je n’aurais jamais peur qu’ils ou elles me dépassent, car ainsi les frontières de ce qui est possible s’élargissent ».

 

Benjamin Besse