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Benjamin Brigaud : la géoscience au service de la transition énergétique

Portrait de chercheur ou chercheuse Article publié le 17 novembre 2022 , mis à jour le 25 novembre 2022

Benjamin Brigaud est professeur en sciences de la Terre à la Faculté des sciences d’Orsay, chercheur au laboratoire Géosciences Paris-Saclay (GEOPS – Univ. Paris-Saclay, CNRS) et directeur-adjoint Formation de la Graduate School Géosciences, climat, environnement et planètes. Spécialiste de la sédimentologie, il travaille à reconstruire l’histoire des bassins, des paléo-environnements aux processus diagénétiques, c’est-à-dire responsables de la consolidation d'un dépôt sédimentaire. 

« Comment se fait-il que je puisse trouver des fossiles marins dans un champ derrière ma maison ? » Tel est peut-être un des premiers étonnements à l’origine de la vocation de Benjamin Brigaud. Passionné de nature depuis sa plus tendre enfance, ce dernier s’intéresse très tôt au monde et aux paysages qui l’entourent. Montagnes, volcans, minéraux, fossiles : les systèmes naturels et leur mode de fonctionnement le fascinent. Son baccalauréat en poche, il entreprend en 2001 des études de sciences de la Terre à l’Université de Bourgogne. Elles le mènent à se spécialiser en sédimentologie et à consacrer une thèse à la compréhension de l’influence du contexte sédimentaire et du mode de formation des roches sur les propriétés pétrophysiques (c’est-à-dire physiques et chimiques et en interaction avec les fluides, comme la porosité, la saturation en eau ou la perméabilité) du Dogger de l’est du bassin parisien. Cette formation géologique correspond à des dépôts très anciens (Jurassique moyen) à dominante calcaire.

« Derrière cette thèse financée par l’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (ANDRA), l’enjeu était de mieux connaître le contexte géologique de potentiels sites de stockage de déchets radioactifs. Au-delà de l’intérêt académique évident de ce sujet, il y avait un sujet d’intérêt sociétal avec en ligne de mire de potentielles applications. C’est le couplage de ces deux dimensions - académique et appliquée - qui a motivé mon choix de sujet de thèse et qui, aujourd’hui encore, continue de guider mes recherches », indique Benjamin Brigaud. Recruté en 2010 comme maître de conférence à la faculté des sciences d’Orsay de l’Université Paris-Sud (aujourd’hui Université Paris-Saclay), Benjamin Brigaud rejoint le laboratoire Géosciences Paris-Saclay.

 

Dater les processus diagénétiques

Au sein de ce laboratoire, Benjamin Brigaud s’intéresse à la diagenèse, autrement dit aux processus physico-chimiques susceptibles d’intervenir dans la transformation des sédiments en roches sédimentaires. « Mon objectif était non seulement de comprendre ce qui se passait lorsque des sédiments se transformaient en roches mais aussi et surtout de poser un âge sur ces processus diagénétiques, de les dater », précise l’enseignant-chercheur.

Ce dernier se lance alors dans des projets de recherche innovants, en partenariat avec des organismes publics intéressés par de possibles applications. « J’ai notamment eu la chance de mener une étude en partenariat avec le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) sur la genèse de ressources minérales, notamment la fluorine, au sein de roches sédimentaires. J’ai également entretenu des collaborations fortes avec Gaz de France – aujourd’hui ENGIE – sur l’origine et l’influence des tapissages de chlorite autour des grains de sables dans les réservoirs gréseux de l’estuaire de la Gironde », ajoute Benjamin Brigaud. Des projets qui le conduisent, pour dater les processus diagénétiques, à développer une nouvelle méthode in situ de datation radiométrique des carbonates par l’uranium-plomb (U-Pb), directement sur des lames minces, grâce à des techniques d’ablation laser couplée à de la spectrométrie de masse. 

 

La diagénèse : une clé pour la géothermie

À mesure que ses recherches avancent et que sa méthode de datation se précise, Benjamin Brigaud prend conscience qu’une meilleure compréhension des processus diagénétiques constitue une véritable clé pour la géothermie : ils permettent en effet d’évaluer le degré de porosité d’une roche et donc la probabilité que cette dernière contienne de l’eau. 

Au début des années 2010, l’enseignant-chercheur se tourne donc vers cette discipline avec l’objectif que ses travaux servent à la transition énergétique. « En tant que géologues, nous avons l’habitude de travailler avec le monde de l’énergie, les pétroliers notamment, mais finalement assez peu au service de la transition énergétique. Or j’étais convaincu que notre méthode de datation des processus diagénétiques pouvait être un outil très utile pour prédire la localisation de réserves d’eau chaudes en sous-sol », indique Benjamin Brigaud.

Conscient de la nécessité d’associer à son projet des compétences en algorithmique et en modélisation, l’enseignant-chercheur commence à se rapprocher de mathématiciennes et mathématiciens, notamment de l’Université Paris-Saclay et de CentraleSupélec. « La construction de l’Université Paris-Saclay nous a vraiment aidés à réaliser ce rapprochement et à prendre conscience de la complémentarité de nos approches », ajoute l’enseignant-chercheur.

 

Projet UPGEO : améliorer l’efficacité des systèmes géothermiques profonds

C’est portés par cet intérêt commun que le Laboratoire de mathématiques d’Orsay (LMO – Univ. Paris-Saclay, CNRS), la Fédération de mathématiques de CentraleSupélec, le Laboratoire des sciences du climat et de l’environnement (LSCE – Univ. Paris-Saclay, CEA, CNRS, UVSQ), l’Institut Camille Jordan (ICJ – CNRS, École Centrale de Lyon, INSA Lyon, Univ. Claude Bernard, Univ. Jean Monnet), le laboratoire Environnements et paléoenvironnements océaniques et continentaux (EPOC – CNRS, Institut polytechnique de Bordeaux, Univ. de Bordeaux), le BRGM, l’IFP Énergies nouvelles (IFPEN) et l’entreprise GEOFLUID décident, sous la houlette du laboratoire GEOPS et de Benjamin Brigaud, de se lancer dans le projet Changement d’échelle et simulation des flux de chaleur pour améliorer l’efficacité des systèmes géothermiques profonds (UPGEO), financé par l’Agence nationale de la recherche (ANR). 

« Dans le cadre de ce projet, qui court jusqu’en 2024, notre principal objectif est de réussir le changement d’échelle entre la perméabilité mesurée en laboratoire et la connectivité sédimentaire des corps réservoirs à l’échelle kilométrique. Un défi qui nécessite de coupler des données et concepts géologiques et mathématiques », explique Benjamin Brigaud.

 

Enseigner à la manière naturaliste

Comme tout passionné, Benjamin Brigaud est animé par le goût de transmettre. « J’aime enseigner sur le terrain à la manière naturaliste, apprendre à mes étudiantes et étudiants à observer le monde qui les entoure. » De la licence au master, l’enseignant-chercheur dispense des cours dans le domaine de la sédimentologie, de la stratigraphie et de la diagenèse des bassins. Ils vont de la pétrographie aux diagraphies et Benjamin Brigaud réserve toujours un fort investissement aux enseignements de terrain.

L’enseignant-chercheur est notamment responsable d'une formation de deuxième année de master, le M2 Bassins sédimentaires pour la transition énergétique. « En sciences de la Terre, on amène souvent nos étudiantes et étudiants sur le terrain, avec une démarche toujours très mono-disciplinaire, dans le cadre d’unités d’enseignement segmentées. Or l’expérience montre que l’on peut, sur un même site, leur apprendre à croiser les perspectives. » 

Fort de cette intuition, Benjamin Brigaud met sur pied un stage multidisciplinaire qui se déroule dans le Morvan et rassemble des spécialistes des grandes thématiques des sciences de la Terre. Le stage est couplé à une unité d’enseignement sur projet. « J’essaie de développer une pédagogie innovante combinant apprentissage sur le terrain et enseignement sur projet, afin les étudiantes et étudiants se forment aux analyses de terrain, de laboratoires et utilisent les outils de géologie virtuelle. »

 

Une formation au plus près des enjeux sociétaux

Après avoir été vice-président Enseignement du département des sciences de la Terre, il est aujourd’hui directeur-adjoint Formation de la Graduate School Géosciences, climat, environnement et planètes de l’Université Paris-Saclay. En parallèle de ses autres activités, il y mène une réflexion sur la stratégie de formation. « Grâce à un premier travail mené sur les thématiques de recherche, nous travaillons actuellement sur les synergies entre recherche et enseignement, avec comme principale boussole de proposer, à nos étudiantes et étudiants, des parcours qui répondent toujours mieux aux enjeux sociétaux », conclut Benjamin Brigaud.

 

Benjamin Brigaud