Aller au contenu principal

Blue Bees Therapeutics : booster les cellules immunitaires pour soigner le cancer

Innovation Article publié le 13 avril 2023 , mis à jour le 13 avril 2023

Issue du département Médicaments et technologies pour la santé (MTS - Univ. Paris-Saclay, CEA, INRAE), la biotech Blue Bees Therapeutics propose une nouvelle stratégie d’immunothérapie pour lutter contre les tumeurs. Hébergée au CEA Paris-Saclay, elle espère faire entrer son candidat-médicament BB-100, basé sur la technologie brevetée i-Ther, en phase I/II des essais cliniques dès 2025.

C’est en 2020 que l’histoire de la start-up Blue Bees Therapeutics commence. « Cette année-là, je rencontre Michel Léonetti, ingénieur-chercheur au CEA et porteur scientifique du projet. Il cherchait quelqu’un qui puisse l’accompagner à développer une structure », se souvient Philippe Berthon, CEO de la start-up. En collaboration avec Nabil Gharios, associé gérant d'Auriga Partners, une société de gestion de capital-risque, les deux hommes se rapprochent du CEA et de la SATT Paris-Saclay. Cette dernière leur octroie plus de 600 000 euros de subventions. En mars 2022, Blue Bees Therapeutics voit le jour. En juillet de la même année, elle obtient l'appui de BPI France et est lauréate du concours i-Lab qui lui accorde 375 000 euros. Et les soutiens continuent d’affluer. En août 2022, Blue Bees Therapeutics réalise un premier tour de table auprès de business angels, à hauteur de 218 000 euros.

 

D’importants soutiens

Si la start-up Blue Bees Therapeutics a pu se lancer, c'est grâce à la confiance que lui montre le CEA et à ses soutiens, en particulier BPI France et la SATT Paris-Saclay. « Avec leur concours, nous avons la capacité de construire une histoire pour séduire les investisseurs. Sans la SATT Paris-Saclay, nous n’en serions pas là. De manière générale, la France nous apporte une immense aide. Elle possède un écosystème qui est très favorable pour développer des start-up. C’est spectaculaire ce qu’il se passe dans l’Hexagone actuellement », constate Philippe Berthon. Il poursuit : « Nous avons sécurisé près de 1,5 million d’euros de fonds propres, grâce auxquels il est possible de constituer une équipe pour déployer notre premier candidat médicament BB-100 et notre plateforme de découverte d’immunothérapies i-Ther. Aujourd’hui, nous avons trois employés, hébergés au CEA Paris-Saclay, mais nous allons probablement recruter une à deux personnes dans l’année. Nous allons aussi contacter des pépinières de start-up pour disposer d’autres structures sur le campus d’Orsay de l’Université Paris-Saclay. » Sans s’arrêter là, Blue Bees Therapeutics va lancer en avril 2023 une nouvelle levée de fonds de 10 millions d’euros afin de financer les essais cliniques chez l’être humain pour son premier candidat-médicament, BB-100, qui utilise la technologie brevetée i-Ther.

 

i-Ther, une technologie “anti-immune checkpoint”

I-Ther est une technologie qui permet de créer de nouveaux traitements appartenant à la famille des immunothérapies dites « anti-immune checkpoint ». Au lieu de s’attaquer directement aux cellules tumorales, ces thérapies ciblent le système immunitaire avec pour objectif de rétablir ou d’améliorer ses fonctions, afin qu’il lutte plus efficacement contre l'expansion tumorale. Apparues dans les années 2000 et couronnées d’un prix Nobel de médecine en 2018 pour leurs découvreurs, les chercheurs en immunologie James Allison et Tasuku Honjo, elles augmentent considérablement la survie de 10 % à 40 % des patientes et patients. « Il y a actuellement une course de beaucoup de start-up et de grandes compagnies pharmaceutiques pour découvrir des traitements immunothérapeutiques novateurs. Nous nous inscrivons dans cette course en développant notre technologie qui aide à activer plus efficacement certaines cellules système immunitaires », détaille Michel Léonetti, du Laboratoire d'étude et de recherche en immunoanalyse (LERI) intégré au Service de pharmacologie et d’immunoanalyse (SPI) du département MTS.

Les immunothérapies « anti-immune checkpoint » ciblent des protéines qui jouent le rôle de points de contrôle immunitaire ou ICP. Ces checkpoints immunitaires s’enclenchent lorsque des protéines à la surface de cellules immunitaires (notamment les lymphocytes T) lient des protéines partenaires sur d'autres cellules. Dans certains cas, le déclenchement transmet un signal d’inhibition au lymphocyte T qui ne peut plus éliminer les cellules tumorales. Comme l’explique Michel Léonetti, « l’injection d’anticorps anti-ICP empêche l'interaction entre les deux protéines et par conséquent lève l’inhibition du lymphocyte T ».
 
Les traitements dérivés de la technologie I-Ther font partie de cette catégorie « anti-immune checkpoint ». Cependant, à la différence des immunothérapies actuellement utilisées chez les patientes et patients, qui s’attaquent directement aux lymphocytes T immunosupprimés, ils fonctionnent plus en amont dans le processus de réponse immunitaire. En effet, ils ciblent et activent les cellules dendritiques, d’autres cellules du système immunitaire, qui contribuent à l’activation des lymphocytes T. « Comme nous sommes plus en amont dans le processus immunitaire, nos médicaments sont potentiellement complémentaires de ceux utilisés aujourd’hui. De plus, comme les cellules dendritiques sont présentes chez tous les patientes et patients, nos traitements seraient opérables dans tous les cas de cancer, même chez les malades ne réagissant pas aux immunothérapies classiques », s'enthousiasme Michel Léonetti.


 
BB-100, un candidat-médicament immunothérapeutique

Basée sur la technologie I-Ther, la biotech Blue Bees Therapeutics développe un premier candidat-médicament, baptisé BB-100. « C’est un fragment d’anticorps monoclonal associé à un ligand des héparanes sulfates protéoglycanes (HSPG). BB-100 possède ainsi deux fonctions d’interaction cellulaire. Le fragment d’anticorps va se lier au récepteur exprimé par la cellule dendritique et le ligand à HSPG. Cette double interaction procure de cette façon un accroissement de l’activation cellulaire », précise Michel Léonetti.

BB-100 est produit par voie recombinante grâce à des cellules HEK 293, des cellules rénales embryonnaires humaines, utilisées classiquement dans la production d’anticorps. S’ensuivent différentes étapes de purification. « Pour l’instant, nous privilégions un mode d'administration du médicament par voie sous-cutanée, ce qui a l’avantage d’être plus rapide que la perfusion. L’idéal serait que les malades puissent se faire l’injection eux-mêmes, de manière hebdomadaire », ajoute l’ingénieur-chercheur.

 

Une potentielle mise sur le marché en 2035

Pour l’instant, le candidat-médicament BB-100 est encore en test chez l’animal. « Nous sommes actuellement dans les études précliniques non réglementaires. Nous caractérisons la pureté de BB-100 puis ses propriétés biologiques dans des modèles in vitro, notamment sur des cellules humaines, et in vivo, chez l’animal. Dans ce dernier cas, on injecte des cellules tumorales chez la souris, puis on inocule BB-100 afin d’évaluer s’il entraîne un ralentissement de la croissance tumorale », explique Michel Léonetti.

À la fin de ces analyses, le candidat-médicament entrera en développement préclinique réglementaire. Selon Philippe Berthon, « cette étape durera environ deux ans et nous coûtera entre six et sept millions d’euros. Fin 2026, BB-100 entrera en phase I/II des essais cliniques ». Cette phase sert à étudier la tolérance au médicament et à définir la dose et la fréquence d'administration recommandées. Les tests sont réalisés chez un petit nombre de malades, entre 10 et 40. En 2028, le médicament passera en phase II pendant deux à trois ans. L’objectif est de confirmer son activité clinique et/ou pharmacologique à la dose recommandée. « Si les résultats de la phase II sont positifs, nous pourrions céder l’entreprise à une "big pharma" en mesure de réaliser les études de phase III et de procéder à la commercialisation du médicament », précise Philippe Berthon.

 

Référence :
Brevet « Complexe immunomodulateur et ses applications pour la thérapie », WO2021239996 - 02/12/2021 ; FR2005663 - 28/05/2020.