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Claire Thomas-Junius : étudier le métabolisme pour individualiser les entrainements sportifs

Portrait de chercheur ou chercheuse Article publié le 25 mai 2022 , mis à jour le 03 juin 2022

Claire Thomas-Junius est directrice du Laboratoire de biologie de l’exercice pour la performance et la santé (LBEPS - Univ. Paris-Saclay, Univ d’Évry, IRBA) et directrice-adjointe recherche de la Graduate School Sport, mouvement, facteurs humains de l’Université Paris-Saclay. Passionnée de sport et de physiologie, elle consacre ses travaux à mieux comprendre les mécanismes physiologiques pour individualiser les entraînements sportifs et améliorer la santé par l’activité physique. 

 

Claire Thomas-Junius est une ancienne athlète de demi-fond. C’est tout naturellement qu’elle s’intéresse à la physiologie du sportif et entame un parcours en biologie à l’Université Paris-Diderot en 1996. Puis elle effectue un DEA en motricité humaine et handicap à l’Université Jean Monnet de Saint Etienne, qu’elle poursuit par un doctorat en physiologie de l’exercice à l’Université de Montpellier. Elle soutient sa thèse en 2004, qui porte sur le métabolisme énergétique, c’est-à-dire sur le mécanisme de production d’énergie des fibres musculaires. « C’est encore aujourd’hui ma thématique de recherche, qui s’étend de la physiologie de l’homme et la femme en mouvement jusqu’aux adaptations cellulaires et moléculaires en réponse aux exercices de haute intensité. » 

 

Les sports de haute intensité 

En 2005, Claire Thomas-Junius rejoint l’université d’Évry en tant qu’enseignante-chercheuse. Ses travaux ont pour objectif de mieux comprendre les réponses métaboliques de différents sports de haute intensité en vue de mieux entraîner les sportifs et les sportives, et d’améliorer leurs performances. Elle s’intéresse aux sports qui nécessitent des efforts continus ou par intervalles d’environ trente secondes à sept minutes, tels que le sprint long (400 m, 800 m), la boxe ou encore le cyclisme sur piste. « Comme la durée de l’effort de ces sports est très courte, le muscle transforme le glucose en pyruvate par le mécanisme de dégradation des sucres appelé glycolyse. » Le pyruvate est ensuite transformé en lactate - couramment appelé acide lactique - ou utilisé par la voie oxydative (qui consomme de l’oxygène). Aussi, contrairement à ce que l’on pense encore, le lactate ne constitue pas un poison pour les muscles. Au contraire, il leur fournit directement un substrat énergétique important. « Lorsque la quantité de lactate produite est élevée, le sportif ou la sportive bénéficie d’énergie très rapidement et améliore alors sa performance. » De plus, les derniers travaux montrent que le métabolite active les adaptations musculaires en stimulant l’expression de gènes, tant au niveau métabolique que contractile.


 
Du lactate à l’acidose métabolique

Mais la production de lactate est concomitante d’une perturbation de l’équilibre acido-basique de l’organisme. Depuis une vingtaine d’année, l’enseignante-chercheuse étudie avec ses collègues de l’Institut national du sport, de l'expertise et de la performance (INSEP), de l’université de Montpellier ainsi que de l’université Victoria de Melbourne, les effets de l’acidose métabolique sur la fonction mitochondriale. C’est-à-dire sur les organites intracellulaires qui stockent les éléments indispensables au fonctionnement des cellules. Mais ces scientifiques cherchent aussi à déterminer le rôle de cette acidose sur les échanges d’ions et de substrats énergétiques au sein de la membrane du muscle. « À trop forte dose, l’acidose métabolique peut inhiber les réactions biologiques de l’organisme, entraver le fonctionnement du muscle, générer de la fatigue et freiner les adaptations entre deux séances d’entraînement. Pour pallier ces contraintes, nous étudions comment trouver un équilibre. »

 

L’individualisation des entraînements des sportifs…

En 2016, le rugby à sept rejoint les sports olympiques. « Ce fut une formidable opportunité de travailler avec la Fédération française de rugby et le Centre national du rugby à Marcoussis, et de mettre à profit nos compétences pour apporter, en amont des Jeux olympiques, des éclairages aux entraîneurs et préparateurs physiques. » Avec ses collègues, la chercheuse quantifie les différentes vitesses, intensités et accélérations durant un tournoi international, et observe les réponses du métabolisme lactique et de l’équilibre acido-basique de chaque joueur. Ils et elles en concluent qu’il existe plusieurs profils de joueurs. « Par exemple, certains sont capables d’atteindre une très haute qualité de vitesse, et d’autres de maintenir un niveau d'endurance tout au long du jeu, ce qui nécessite d’individualiser leurs entraînements. » 

 

… et des sportives

Forte de ces connaissances, de 2017 à 2019, Claire Thomas-Junius obtient un détachement à l’INSEP. Elle collabore avec la Fédération française d'aviron et l’Université de Clermont Auvergne pour comprendre et comparer les réponses du métabolisme énergétique chez les adolescentes et adolescents, en fonction de leurs stades de puberté et de maturation. « Les filles sont plus précoces que les garçons, elles ont plus de matière grasse et un profil endocrinien différent. » Avec ses collègues, elle poursuit actuellement ses travaux sur la compréhension des réponses énergétiques et musculaires des femmes auprès de l'équipe de France féminine de rugby à sept, vice-championne olympique aux Jeux olympiques d’été de Tokyo en 2021. « Toutes les études portaient sur les hommes, il était temps que l’on s’intéresse aux femmes ! » 

 

Trois axes de recherche : la performance musculaire au service de la santé

En janvier 2020, Claire Thomas-Junius prend la direction du LBEPS qu’elle a créé avec ses collègues du département STAPS de l’Université d’Évry, de l’Institut de recherche biomédicale des armées (IRBA) et du Centre d’étude et de recherche sur l’intensification du traitement du diabète (CERITD). L’enseignante- chercheuse et son équipe en définissent le cap pour cinq ans autour de trois axes. Le premier axe, nommé Homme entraîné, a pour objectif d’optimiser la performance en étudiant l’impact des actions sportives et de différentes stratégies (nutrition, sommeil, etc.) sur les réponses du métabolisme et du système neuroendocrinien. Ces travaux sont réalisés en partenariat avec les Fédérations françaises d'athlétisme et de rugby en prévision des Jeux olympiques de Paris 2024, « mais nous souhaitons aussi qu’ils servent à tous les sportifs et sportives, et à la population en général ». Le deuxième axe, Homme fatigué, porte sur les exercices en conditions extrêmes comme la chaleur, le froid intense ou l’hypoxie (manque d’oxygène en altitude). En étudiant le polymorphisme génétique, la variabilité de la fréquence cardiaque ou encore les biomarqueurs de militaires et de sportifs et sportives, il devient possible de prévenir par exemple les coups de chaleur d'exercice. Le troisième axe, Homme pathologique, vise à développer des thérapies non médicamenteuses grâce à l’activité physique, pour certains types de pathologies métaboliques, comme le diabète ou des pathologies neuromusculaires.

 

Direction-adjointe recherche de la Graduate School Sport, mouvement, facteurs humains

En 2021, Claire Thomas-Junius devient directrice-adjointe recherche de la Graduate School Sport, mouvement, facteurs humains (GS SMFH), qui rassemble sept laboratoires aux thématiques complémentaires : sciences du vivant, ingénierie, ergonomie, sciences humaines et sociales, sciences de l’information. Les nombreuses recherches y sont novatrices et interdisciplinaires. « Nous avons pour objectif de construire des stratégies de recherche communes autour des sciences du sport, du mouvement et de l’ingénierie, en favorisant le travail collaboratif et en donnant une dimension internationale à la GS SMFH. » Renouvelée l’année dernière, l’offre de formation de la GS compte aujourd’hui cinq mentions de masters, dont deux masters en anglais directement liés aux thématiques de recherche du LBEPS : Sport Sciences for Health and Performance et Physical Activity Exercice and Health, qui accueillent des étudiantes et étudiants français et étrangers.