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CORSAIR : Contrôler l’émission de lumière d’un ensemble d’atomes ordonnés

Recherche Article publié le 11 avril 2022 , mis à jour le 11 avril 2022

Inséré au cœur des recherches effectuées au Laboratoire Charles Fabry (LCF - Univ. Paris-Saclay, Institut d’Optique Graduate School, CNRS), le projet CORSAIR (Controlled subradiance in atomic arrays) utilise des protocoles innovants pour étudier l’émission de la lumière au sein d’ensembles ordonnés d’atomes. Recherche encore fondamentale, ses potentialités en termes de stockage d’information quantique par exemple sont importantes.

Porté par Igor Ferrier-Barbut, physicien au Laboratoire Charles Fabry, le projet de recherche CORSAIR relève de la physique quantique. Il propose un nouveau protocole pour étudier l’émission spontanée collective d’atomes de dysprosium. Lauréat fin 2021 d’une ERC Starting Grant, une bourse décernée aux jeunes chercheurs et chercheuses dont les précédents travaux ont été reconnus et destinée à les accompagner dans des projets plus ambitieux, CORSAIR s’inscrit dans l’étude des interactions lumière-matière. Les scientifiques du LCF ont été parmi les premiers à contrôler la sous-radiance, un phénomène particulier concernant l’émission spontanée de la lumière et sa propagation, au sein d’ensembles désordonnés. L’ambition à présent est d’améliorer les connaissances et le contrôle de ce phénomène en utilisant un ensemble d’atomes ordonnés. 

 

Le problème de la diffusion de la lumière

CORSAIR vise la résolution du problème théorique de la diffusion, par un grand nombre d’atomes, de la lumière dans un espace libre. La réponse des atomes à la réception de la lumière diffère selon s’ils sont pris individuellement ou collectivement. Pris seul, un atome a une capacité d’absorption de la lumière qui ne dépend que des états d’excitation de ses électrons. Mais en groupe, cette capacité dépend des autres atomes et la réponse collective s’avère différente. Cela comporte certains avantages, comme pour le stockage de l’information sous la forme de photons ou encore son partage contrôlé. Or tout l’enjeu est de réussir à maîtriser ces effets. L’ambition des chercheurs et chercheuses impliquées dans le projet CORSAIR est justement de contrôler de façon optimale les interactions entre atomes grâce à la sous-radiance : « En contrôlant de manière externe, par des champs laser, la capacité des atomes à interagir entre eux, on change leur émission collective et il devient possible de réémettre toute leur excitation du moment dans une direction donnée. » 

 

L’enjeu de la sous-radiance

En temps normal, lorsque la lumière laser arrive sur un nuage d’atomes, les photons sont absorbés par les atomes et les électrons passent à un niveau d’énergie plus élevé, dans un état excité. Le retour à un état fondamental se fait par l’émission d’un photon. Or dans le cas d’un nuage en sous-radiance, la distance entre chaque atome est inférieure à la longueur d’onde du photon émis et l’émission y est annulée. Les électrons restent dans leur état excité et toute l’énergie d’excitation se trouve piégée au sein du système. L’émission est alors dirigée par les scientifiques. La sous-radiance, où les interférences entre atomes sont dites destructives, s’oppose à la super-radiance, où les interférences sont dites constructives car les atomes émettent les photons. 

Alors qu’Igor Ferrier-Barbut et ses collègues du LCF ont déjà réussi à créer de la sous-radiance dans des nuages atomiques désordonnés, CORSAIR vise à améliorer la reproductibilité et le contrôle de ce phénomène dans le cas de nuages atomiques ordonnés. « On souhaite parvenir à une réémission du photon et dans une direction déterminée par nos soins. Et réussir à stocker dans un ensemble d’atomes toute l’énergie qui lui a été envoyée, et inversement, d’en réémettre la totalité au moment décidé », détaille le chercheur.  

 

Du piégeage du rubidium à celui du dysprosium

Dans ses précédentes expériences, Igor Ferrier-Barbut et ses collègues ont utilisé des atomes de rubidium (Rb), un métal alcalin. L’originalité du projet CORSAIR est de proposer d’analyser des atomes de dysprosium (Dy), de la famille des lanthanides. « Le rubidium est le cheval de bataille des expériences atomiques. Comme tous les atomes de la famille des métaux alcalins (lithium, sodium, potassium, césium, francium), il se comporte de manière relativement simple face à la lumière. Pour notre part, nous voulons ouvrir de nouvelles possibilités en utilisant des atomes dont les structures internes et les longueurs d’onde sont plus favorables au sondage et au piégeage de ces atomes », explique le chercheur.

Les nouvelles méthodes de piégeage développées au LCF – par lasers de refroidissement ou grâce aux pinces optiques - doivent aussi déboucher sur une meilleure manipulation des atomes de dysprosium. Avec elles, les scientifiques du projet CORSAIR espèrent réussir à déterminer précisément dans un ensemble d’atomes où se trouvent ceux excités. Comme une photographie plus nette et fidèle des atomes qui contiennent encore des photons. Le projet débutera sur des ensembles de plusieurs dizaines d’atomes de dysprosium.


Références :