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Denis David : lutter contre la dépression grâce à de nouvelles cibles thérapeutiques

Portrait de chercheur ou chercheuse Article publié le 20 juillet 2023 , mis à jour le 31 août 2023

Denis David est professeur de pharmacologie à l’Université Paris-Saclay et membre de l’équipe Moods du Centre de recherche en épidémiologie et santé des populations (CESP – Univ. Paris-Saclay, Inserm, UVSQ). Il a à cœur de repousser les limites de la recherche afin d’améliorer la prise en charge de patients et patientes souffrant de dépression.

Après un Deug en sciences de la vie et une licence en physiologie, effectuée en 1998 à l’Institut catholique de Vendée, Denis David poursuit avec une maitrise en physiologie/pharmacologie. « J’ai fait un stage volontaire au laboratoire de neuropharmacologie de la Faculté de médecine de Nantes en licence, et cela m’a tellement plu que j’ai renouvelé l’expérience en maitrise. » En 2000, il réalise un DEA en pharmacologie expérimentale et clinique à l’Université Paris-Sud (aujourd’hui Université Paris-Saclay), tout en poursuivant son stage de recherche au sein du laboratoire de neuropharmacologie. En 2003, il réalise sa thèse au sein de ce laboratoire, en partenariat avec l’équipe Sérotonine et neuropharmacologie de l’Université Paris-Sud (intégrée au CESP en 2020 et rebaptisée Moods) pour y ajouter un volet portant sur la neurochimie. Son sujet concerne l’étude de la variabilité et de la taille de l'effet des antidépresseurs sur des modèles comportementaux et neurobiologiques.
Associer étude comportementale et neuroscience

Grâce à une bourse attribuée par l’organisation professionnelle Les entreprises du médicament (Leem), Denis David effectue un post-doctorat à l’Université Columbia, New York en 2003. C’est l’occasion pour lui d’acquérir de nouvelles compétences en immunohistochimie - une technique qui utilise des anticorps pour cerner des protéines antigènes dans les cellules d'une coupe tissulaire. « Je voulais mieux comprendre le rôle des neurones produits dans l’hippocampe du cerveau adulte, une région impliquée dans la régulation des émotions et l’apprentissage. »

 

L’étude de la neurogenèse hippocampique adulte

En septembre 2004, il revient en France et est recruté en tant qu’enseignant-chercheur au sein de l’équipe Sérotonine et neuropharmacologie. À partir là, il oriente ses travaux vers la neurogenèse hippocampique chez l’adulte et son implication dans la réponse aux antidépresseurs. La neurogenèse hippocampique est un phénomène présent chez presque tous les mammifères. Elle se déroule tout au long de la vie dans la zone du gyrus dentelé, située dans la région cérébrale de l’hippocampe. Les cellules souches neurales y subissent une division asymétrique, qui génère de nouvelles cellules (ou jeunes neurones) s’intégrant au réseau de neurones. Ce processus est modifié dans les états dépressifs et sous l’action des antidépresseurs. « Même si la région de l’hippocampe n’est pas la seule activée par un antidépresseur, nos travaux montrent que ces jeunes neuronaux participent activement à la rémission des symptômes dépressifs. »

 

Le modèle Cort : une avancée considérable pour la communauté scientifique

Pour tester les antidépresseurs sur les rongeurs, il faut que ces derniers présentent un état de type dépressif. Grâce au National Alliance for Research on Schizophrenia and Depression (NARSAD) Young Investigator award décerné par la Fondation américaine Brain & Behavior Research Foundation, Denis David développe, en partenariat avec l’Université Columbia, le modèle animal pharmacologique Cort. Il mime, via un apport exogène de corticostérone dans l’eau de boisson, les conséquences d’un stress chronique. Grâce à l’apport de cette hormone métabolique secrétée par la glande surrénale, il reproduit certains aspects de l'épisode dépressif caractérisé. Denis David étudie ainsi les modifications comportementales induites, à savoir une perte de préférence au sucrose, une diminution du toilettage, de l’apathie, de l’anhédonie (incapacité à ressentir le plaisir), des troubles cognitifs et de l’hypersomnie (sommeil excessif). En 2009, il publie les résultats de ces travaux dans la revue Neuron. « L’article compte à ce jour près de 1 300 citations et le modèle Cort est désormais utilisé dans des laboratoires du monde entier. »

 

Le développement de molécules thérapeutiques pour l’être humain

Ce modèle rend en outre possible l’observation de mécanismes identiques chez le rongeur et l’être humain, comme la neuroplasticité. Ainsi, les antidépresseurs efficaces chez l'être humain le sont aussi dans le modèle Cort, car ils sont capables de restaurer tous les changements neurobiologiques induits par la corticostérone. Identifier la physiopathologie et la réponse pharmacologique est utile au développement de nouvelles molécules, et Denis David et son équipe entretiennent de nombreux partenariats avec l’industrie pharmaceutique. « À partir de 2006, nous avons participé à la caractérisation comportementale et neurobiologique qui a été validée par l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) en 2013. Elle est aujourd’hui disponible dans les officines de France, du Japon et des États-Unis. » L’équipe Moods est l’une des rares équipes translationnelles en France, c’est-à-dire où il est possible de passer de la souris à l’être humain et inversement.

 

Minimiser les rechutes et récidives

Cette approche translationnelle est fertile et Denis David s’intéresse aujourd’hui au rôle de la neurogenèse hippocampique adulte dans la prévention des phénomènes de rechute et de récidive dans l’épisode dépressif caractérisée. Lors d’un traitement antidépresseur, une phase de maintenance succède à la phase aiguë pendant laquelle s’observe la réponse thérapeutique : le traitement est alors prolongé de quelques semaines afin de minimiser les risques de récurrence. Mais « il n’y a aucune donnée dans la littérature scientifique en étude préclinique à ce sujet ». Dès lors, Denis David s’attèle à modéliser ces rechutes chez les rongeurs et observe que la neurogenèse hippocampique adulte participe aussi à la réduction des risques de récidive chez ces animaux.

 

De nouveaux travaux grâce au Schaefer Award

Auteur de plus d’une centaine d’articles scientifiques dans des revues de renom, Denis David n’est jamais à court de projet. Il travaille, en collaboration avec le CEA et grâce au Schaefer Award décerné en 2022 par l’Université Columbia, à imager la neuroplasticité hippocampique avec des marqueurs radioactifs translationnels. Ce financement lui donne par ailleurs la possibilité de développer des alternatives aux benzodiazépines, c’est-à-dire les traitements symptomatiques des troubles anxieux. « Ils comportent beaucoup d’effets indésirables graves, comme les risques de dépendance, de sédation et d'amnésie. » Il s’intéresse ainsi, en partenariat avec l’Université Columbia, au récepteur 5HT4 de la sérotonine qui possède des propriétés anxiolytiques rapides.

 

La passion de la transmission

Passionné par sa mission d’enseignement à la Faculté de pharmacie de l’Université Paris-Saclay, Denis David possède une habilitation à diriger des recherches depuis 2008 et est professeur des universités depuis 2015. Il est directeur délégué à la recherche de la Graduate School Health and Drug Sciences de l’Université Paris-Saclay. Il est également co-responsable de la mention de master 1 Sciences du médicament et des produits de santé de l’Université. « J’apprécie beaucoup de transmettre ma passion pour la recherche aux étudiantes et aux étudiants, et de leur enseigner la manière dont notre discipline a un impact très concret sur la prise en charge thérapeutique des patientes et patients. »

 

Denis David (c)Université Paris-Saclay