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Des probiotiques pour prévenir les infections respiratoires chez les personnes âgées

Recherche Article publié le 23 février 2021 , mis à jour le 23 février 2021

L’ensemble des micro-organismes qui peuplent l’intestin, appelé microbiote intestinal, a un rôle clé dans la santé digestive et extra-intestinale. Le poumon est également peuplé par des micro-organismes qui forment le microbiote pulmonaire. Ces deux microbiotes et leurs interactions réciproques font l’objet d’un projet mené par l’équipe « Microbiotes et santé digestive et respiratoire » de l’Institut de microbiologie de l’alimentation au service de la santé Micalis (Université Paris-Saclay, AgroParisTech, INRAE). La compréhension des interactions entre ces microbiotes et la nutrition offre un terrain à de nouvelles stratégies innovantes de prévention et de traitement des infections respiratoires chez les personnes âgées.

La vulnérabilité des personnes âgées face aux infections respiratoires est une problématique de longue date, exacerbée aujourd’hui par la crise sanitaire. C’est dans ce cadre que l’équipe de Muriel Thomas de l’Institut Micalis s’est intéressée ces dernières années à des bactéries pulmonaires isolées chez la souris et qui influencent la réponse immunitaire. Ces résultats appellent à approfondir le domaine du microbiote pulmonaire. C’est Vinciane Saint-Criq, physiologiste de l’épithélium pulmonaire et chargée de recherche dans l’équipe, qui développe aujourd’hui un projet sur l’impact de la nutrition sur les infections respiratoires chez les personnes âgées.

L’âge et le vieillissement des poumons

L’âge affecte l’appareil respiratoire de trois façons principales. La première est de nature mécanique. Les poumons perdent en rigidité, le volume des alvéoles augmente et la capacité respiratoire s’en trouve affectée. Il est plus difficile, de ce fait, pour les personnes âgées d’évacuer les particules et les pathogènes qui auraient fait leur chemin jusqu’aux voies respiratoires, accentuant ainsi le risque d’infections chez ces personnes. 

Le deuxième impact n’est pas spécifique aux poumons mais correspond à une dégradation de la réponse immunitaire : c’est l’immunosénescence. Sa conséquence est une fragilité intrinsèque à l’âge de l’individu et une difficulté à former une immunité de longue durée, qui compromet notamment l’efficacité des vaccins chez les personnes âgées. 

Enfin, l’âge affecte aussi le microbiote, qu’il soit pulmonaire ou intestinal. Les teneurs en bactéries essentielles au bon fonctionnement du corps se déséquilibrent, accompagnées, de surcroît, par une dénutrition fréquemment observée chez les personnes âgées.

Un lien inattendu

La concomitance entre dérèglement du microbiote intestinal et propension aux infections respiratoires fait émerger une potentielle corrélation entre l’appareil intestinal et respiratoire. Intuitivement, ces derniers ne semblent pas communiquer et leurs microbiotes respectifs ont séparément fait l’objet de plusieurs études. Mais en regardant de plus près l’anatomie humaine, il devient possible d’y voir plus clair.

Premièrement, les deux appareils partagent le même point d’entrée, la bouche. Par ailleurs, lors de l’évacuation par la toux de particules présentes dans les bronches, des micro-organismes peuvent passer du poumon à l’intestin. L’inverse est également possible, lors de reflux de l’estomac et de l’œsophage. Enfin, poumons et intestins sont impliqués dans le transport de métabolites, de petites molécules issues du métabolisme qui rejoignent la circulation sanguine ou de cellules immunitaires qui transitent dans le circuit lymphatique. « Notre hypothèse est que la dénutrition, le manque de certains nutriments, va générer un terrain propice à l’installation de certaines infections respiratoires. Ces études vont amener à considérer la nutrition comme un levier d’action pour prévenir, ou au moins alléger, les conséquences des infections respiratoires chez les personnes âgées », explique Vinciane Saint-Criq.

En pratique comment fait-on ?

Pour étudier ces mécanismes, les chercheurs de l’Institut MICALIS disposent de plusieurs alternatives, allant de modèles cellulaires pour des études in vitro, à des modèles animaux pour la recherche fondamentale. Dans le cas d’une recherche plus appliquée, l’équipe procède à des prélèvements de salives et exploite la ressemblance des microbiotes.

Pour descendre dans les voies respiratoires hautes, une des techniques consiste à faire inhaler à la personne une solution saline, à provoquer chez elle des expectorations et à en récupérer le microbiote local. Une technique plus précise – mais aussi plus contraignante - consiste à injecter du liquide physiologique dans les voies respiratoires basses puis à le récupérer. « C’est une technique qui est invasive. Elle doit être réalisée sous anesthésie et se fait généralement dans une clinique, quand le patient présente des pathologies qui nécessitent d’aller voir ce qu’il se passe à l’intérieur », explique Vinciane Saint-Criq. Les chercheurs récupèrent parfois l’excédent de matériel, avec l’accord du patient, et s’en servent pour étudier le microbiote des voies respiratoires basses, les moins accessibles.

Pour obtenir des prélèvements cliniques ou mener des études plus approfondies, l’équipe dispose, à l’image de sa pluridisciplinarité, d’un réseau de collaborateurs, qui inclut des médecins et des cliniciens. Vinciane Saint-Criq mène par exemple un autre projet en collaboration avec l’Institut Necker-Enfants malades (INEM) et financé par l’ANR (Agence nationale de la recherche). Les hôpitaux Saint-Antoine, Bichat et Beaujon, à Paris, constituent aussi des partenaires récurrents de l’équipe. « C’est là un lien très fort entre l’AP-HP et l’équipe MICALIS localisée à Jouy-en-Josas. »

Des retombées prometteuses

L’équipe envisage dans un deuxième temps de construire son réseau de collaborations industrielles. Les retombées envisageables sont de taille, tant dans le domaine pharmaceutique que nutritionnel et gérontologique. Tout semble indiquer qu’en plus d’un mécanisme de prévention, ces recherches déboucheront sur de nouveaux traitements. « Par exemple, la grippe n’est pas forcément très grave en elle-même, mais c’est l’éventuelle surinfection bactérienne qu’elle implique qui la rend grave, explique Vinciane Saint-Criq. Des travaux ont montré la diminution, lors d’une infection grippale, de la teneur en acétate, un métabolite produit par le microbiote intestinal et essentiel à son système immunitaire. Et quand on supplémente des souris avec ce métabolite après leur infection par la grippe, on diminue chez elles l’apparition de surinfections bactériennes des poumons. Cela reste certes préventif, mais c’est ce vers quoi nous souhaitons tendre : donner des probiotiques et empêcher l’évolution délétère d’une infection respiratoire. »

 

Sources :