Diagante ou comment améliorer la conservation des prélèvements solides

Innovation Article publié le 12 mars 2025 , mis à jour le 12 mars 2025

Jeune start-up francilienne, Diagante souhaite limiter le nombre de faux positifs dans l’analyse des prélèvements microbiologiques solides. Pour cela, ses trois co-fondateurs ont développé un kit breveté permettant de conserver des échantillons jusqu’à 72 heures.

Créée en 2020 par trois co-fondateurs, la start-up Diagante promet d’améliorer l’analyse des prélèvements solides. Son histoire commence grâce à l’un d’entre eux, le professeur Martin Rottman, du laboratoire Infection et inflammation (2I – Univ. Paris-Saclay/Inserm/UVSQ) et de l’AP-HP (Hôpital Raymond Poincaré, Garches), qui voit en 2020 un brevet sur la conservation des prélèvements solides, déposé en 2013 en France, être accordé en Europe et aux États-Unis. Dans la foulée, avec Cécile Chevalier, diplômée de HEC, spécialiste des questions de finance, de business et par ailleurs co-présidente de la French Tech Paris-Saclay, et que Virginie Lebidois, issue du monde de la pharmaceutique, il co-fonde Diagante. Cécile Chevalier en devient la CEO, tandis que Virginie Lebidois prend les fonctions de COO, en charge des opérations industrielles et réglementaires. Le Pr Rottman, lui, s’occupe des aspects scientifiques et médicaux (CSO).
 

Un kit breveté

« Nous sommes partis d’une question, en tant que microbiologistes : comment répondre à la difficulté de fournir un bon diagnostic indépendamment du parcours de prélèvement ? Aujourd’hui dans le cadre des infections osseuses et articulaires, 30 % des échantillons sont des faux positifs. Dans la plupart des cas, le pathogène est présent, mais nous n’arrivons pas à le détecter », explique Cécile Chevalier. En effet, les prélèvements solides doivent être pris en charge dans les deux heures pour éviter les pertes d’informations liées à la mort des bactéries et des micro-organismes. La CEO poursuit : « L’organisation même des laboratoires en plateaux techniques, de plus en plus centralisés, avec parfois des sous-traitants, entraîne des dépassements des délais. » C’est pour réduire le nombre de ces faux négatifs que Diagante a développé un dispositif qui permet de conserver les échantillons solides et leurs micro-organismes jusqu’à 72 heures à température ambiante. Avec le kit vendu par Diagante, les taux de faux négatifs tomberont à 5 %.

La solution proposée par la start-up consiste en un flacon doublement emballé, qui contient un milieu de transport liquide et un système de billes breveté, baptisé TISSUtainer®. « Lorsqu’on fait un prélèvement solide, une fois acheminé, les laboratoires doivent le préparer pour le rendre analysable. Auparavant, des techniques de mortier et de pilon étaient utilisées. Nous avons opté pour un système de broyage avec un ensemble de billes. Nous arrivons à extraire la masse organique sans détruire les bactéries. À la fin du process, le prélèvement est liquide et le technicien peut alors l’analyser selon son procédé habituel. Cela simplifie et sécurise le diagnostic », ajoute Cécile Chevalier.

À l’origine, le TISSUtainer® était destiné aux infections des os et articulations. « Nous nous sommes rapidement rendu compte, dès la phase de conception, en discutant avec des chirurgiens, que le sujet des prélèvements solides concernait aussi les tissus mous et élastiques (cœur, vaisseaux sanguins…). Ce sont des échantillons précieux, difficiles à prendre en charge, mais qui contiennent beaucoup d’informations », développe la CEO. Diagante a donc adapté sa solution afin qu’elle soit utilisable sur toute sorte de prélèvement solide.
 

Des phases d’évaluation

Diagante a porté une grande attention à la qualité de ses matières premières pour éviter d’introduire des perturbateurs dans son dispositif. Les cofondateurs ont également réfléchi à l’impact environnemental de leur produit. Mais, comme tous les déchets d’activité de soins à risques infectieux (DASRI), les flacons sont récupérés et traités, souvent incinérés, par des spécialistes. « Nous avons beaucoup travaillé sur les billes, pour trouver l’optimum entre la performance et la quantité de matière utilisée », ajoute la CEO.

Bien que le TISSUtainer® ait obtenu le marquage CE en juin 2024, de nombreuses études sont en cours, car même si les évaluations cliniques ne sont pas obligatoires réglementairement pour ce genre de dispositif, les hôpitaux ont tout de même besoin de comparer cette nouvelle solution avec celles qu’ils utilisent au quotidien. De même que les laboratoires d’analyses doivent documenter l’évolution de leurs procédés. « Le professeur Rottman est en lien avec des centres de référence à Strasbourg. Il travaille actuellement sur un protocole d’études cliniques sur 80 patients atteints d’infections articulaires sur les deux prochaines années. L’objectif est de tester quatre méthodes de traitement des prélèvements, dont le nôtre », précise Cécile Chevalier.
 

Une commercialisation en 2025

Après avoir été incubée chez Paris & Co Santé pendant deux ans et demi, et accélérée chez Wilco, Diagante est aujourd’hui située dans les locaux de l’UFR Simone Veil – santé de l’Université de Versailles – Saint-Quentin-en-Yvelines (UVSQ), à Montigny-le-Bretonneux (Yvelines). « Pour nous, le soutien de l’UVSQ et de l’Université Paris-Saclay est très important. Il est essentiel d’être connectés à cet écosystème, car c’est un élément de faire-valoir et d’excellence. L’ancrage local est pour nous indispensable », explique Cécile Chevalier.

La start-up, qui compte aujourd’hui six personnes, en est au début de sa phase de commercialisation. La conception et le développement du TISSUtainer® sont achevés. Diagante sous-traite à un partenaire industriel normand, l’assemblage final et la stérilisation des kits. Après un premier audit en juin 2024, Diagante a obtenu la certification ISO 13485, norme internationale qui spécifie les exigences des systèmes de management de la qualité pour l'industrie des dispositifs médicaux. Lors de cet audit, elle a également reçu le marquage CE pour TISSUtainer® selon le nouveau règlement européen IVDR 2017/746, ce qui lui ouvre les portes du marché européen. « Nous avons également une autorisation de mise sur le marché au Royaume-Uni. Nous avons des discussions avec des distributeurs pour la distribution en Italie, dans les pays nordiques, mais aussi en Allemagne, en Espagne et en Belgique. À plus long terme, nous visons une autorisation de mise sur le marché aux États-Unis », décrit Cécile Chevalier.

Sans rester sur ses acquis, la start-up travaille déjà sur un nouveau projet, toujours au sujet des prélèvements solides. L’objectif est de développer un kit pour les diagnostics d’infection qui ait une approche plus ciblée sur tous les types de micro-organismes, et pas uniquement les bactéries. Ce sujet fait l’objet d’une thèse CIFRE.

Labellisée French Tech Seed, Deeptech par BPI et lauréate de l’appel à projets Innov'up Leader PIA de la région Île-de-France en 2023, Diagante ne manque pas de soutiens. Elle a d’ailleurs déjà obtenu 1,1 million d’euros de financement il y a deux ans, via une levée de fonds. Elle n’est pas encore autonome financièrement, mais les co-fondateurs restent majoritaires dans le capital. « Nous lançons une nouvelle levée de fonds en ce moment, avec pour objectif de récupérer environ 1,5 million d’euros. Cela nous servira pour notre commercialisation et notre croissance en Europe, mais également pour nos nouveaux développements. En fonction des besoins, nous embaucherons de nouveaux collaborateurs et collaboratrices dans le courant de l’année. Notre mission est de continuer à développer des diagnostics fiables et rapides en libérant tout le potentiel des échantillons solides. Nous sommes convaincus qu’avoir le bon diagnostic est le moyen le plus simple et le plus économique pour une meilleure prise en charge médicale des patientes et patients », conclut la CEO de Diagante.