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Étudier en distanciel : comment préserver productivité et créativité ?

Recherche Article publié le 18 novembre 2021 , mis à jour le 19 novembre 2021

Avec les confinements successifs liés à la pandémie de Covid-19, 80 % des étudiants dans le monde ont dû suivre leur cours en ligne. Mais enchaîner les visioconférences tout en gérant un flux continu d'emails devient parfois vite épuisant et le télétravail difficile à supporter. Une équipe de chercheurs et de chercheuses, notamment du Laboratoire en innovation, technologies, économie & management (LITEM – Univ. Paris-Saclay, Univ. d’Évry, IMT-BS), a suivi un panel d'étudiants de l'Université Paris-Saclay lors du premier confinement, au printemps 2020. Si certains ont réussi à bien s'adapter, beaucoup parlent de "zoom burnout", ne supportant plus de passer des journées entières devant leur écran. Or, pour un individu, réussir sa transition vers le distanciel tient à un élément souvent ignoré : sa capacité à garder un esprit ouvert.

Anuragini Shirish, du LITEM, mène des recherches sur le stress au travail depuis de nombreuses années, et s’intéresser à la situation des étudiants est né bien avant le début de la pandémie actuelle, lors d'une discussion avec une étudiante de master en stage au laboratoire. « Selon les stéréotypes en vigueur, les jeunes maîtriseraient tous la technologie sur le bout des doigts et ce serait les personnes plus âgées qui seraient paniquées à l'idée d'utiliser un nouveau logiciel. Mais sommes-nous vraiment certains que les jeunes ne sont pas stressés face à leur ordinateur ou d’autres technologies ? », interroge la chercheuse.

Lorsque des milliers d'étudiants et d’étudiantes basculent brusquement, en mars 2020, vers des cours à 100 % en distanciel, c'est l'occasion rêvée pour la chercheuse et ses collègues de mener une étude dans le contexte de l'apprentissage en ligne. L'hypothèse étudiée : la perception de la technologie par l’étudiant influence l’efficacité de son apprentissage en ligne.

 

La présence attentive face à l'informatique

Dans son étude, l’équipe utilise un tout nouveau concept, la « présence attentive face à l'informatique ». Être capable de présence attentive (mindfulness, aussi appelée pleine conscience), c'est savoir s'ancrer dans le moment présent, garder l'esprit ouvert et être capable de prendre du recul. Tout le contraire de ce que l’on ressent face à un écran, quand on consulte un réseau social ou son fil d'actualité. L'utilisateur est plutôt dans la réaction immédiate que dans l'action réfléchie.

L’équipe interroge alors 82 étudiants et étudiantes en licence ou master à l'Université Paris-Saclay pour évaluer, sur une échelle de 1 à 5, leur niveau de présence attentive face à l'informatique. Un score élevé montre que l'utilisateur est capable de repérer des nouveautés dans un logiciel, qu'il prend des initiatives et adapte son utilisation selon le contexte. En moyenne, les étudiants obtiennent un score de 3,8. Mais si les chercheurs ne notent aucune influence ni du genre ni de l’âge des étudiants (de 18 à 31 ans) sur leurs performances, ils sont intrigués par la grande disparité des scores obtenus. Certains s'approchent du score maximal, alors que d'autres sont tout juste supérieurs à 2. Tous les étudiants interrogés ne sont donc pas à l’aise avec la technologie.

 

Productivité et créativité

Ceux qui se situent très bas sur l'échelle de présence attentive voient l'informatique comme une menace. D'après les résultats obtenus par l’équipe, cela pose un problème majeur : ces étudiants se montrent moins productifs et moins créatifs lors de l'apprentissage à distance. Au contraire, un élève serein face à son ordinateur se révèle capable de surmonter n'importe quel obstacle. Pour exemple, ces deux profils réagiront différemment face à un problème informatique lors d'une discussion en ligne. Alors que l’étudiant stressé restera paralysé, l’étudiant détendu aura l'idée de migrer vers une autre plateforme, même si cela n'a pas été suggéré par l’enseignant.

Comme l’explique Anuragini Shirish, la clé est d'être capable de prendre du recul : « Nous nous basons sur une théorie du psychothérapeute américain Eric Garland, selon laquelle les individus capables de présence attentive et confrontés à une nouvelle contrainte sont plus ouverts d'esprit et plus aptes à réévaluer la situation. Ils gèrent mieux la situation et éprouvent un stress positif, ce qui leur fait trouver du sens dans l'adversité. » C'est en passant par cette étape intermédiaire de stress positif, aussi qualifié de stimulation positive, que l’étudiant apprend de façon efficace et créative. Maîtriser le partage d'écran, découvrir la réalité virtuelle ? Rien de l'effraie, car il considère chaque changement comme un nouveau défi à relever.

 

Comment développer sa capacité à la présence attentive ?

Pour les étudiants, une journée de cours à distance s’avère être une source de nombreux micro-stress. Un participant qui oublie de couper son micro, une caméra qui refuse de s'allumer ou un problème audio qui fait perdre le fil de l'intervention. Sans compter l’obligation de garder sa caméra allumée toute la journée et de jongler entre les plateformes. Ce qui explique le décrochage de certains au bout de quelques semaines de confinement.

Développer une présence attentive les aiderait à mieux résister à ces perturbations. Pour cela, il s’agit de s'entraîner à calmer son esprit, comme consacrer cinq minutes de son temps à se relaxer avant le début du cours en ligne, en utilisant une application de méditation sur son téléphone ou simplement en fermant les yeux et en se concentrant sur sa respiration. La pratique sportive ou l'art aide aussi à prendre du recul et à se positionner dans l’instant présent. Loin d’être une perte de temps, cela constitue un moyen d'améliorer ses capacités d'apprentissage. Selon Anuragini Shirish, une personne capable de présence attentive dans sa vie quotidienne le sera sûrement devant son ordinateur.

La présence attentive et l'informatique continueront d’être l'objet de futures recherches au LITEM. L'équipe d’Anuragini Shirish évaluera prochainement l'apport de la présence attentive pour lutter par exemple contre l'addiction au téléphone ou la propagation des fake news, et s’il est possible d'améliorer sur le long terme sa capacité de présence attentive face à l'informatique, grâce à l’utilisation de technologies positives par exemple.

 

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