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Explorations au cœur du système reproducteur

Recherche Article publié le 08 février 2023 , mis à jour le 09 février 2023

Cet article est tiré du numéro 20 de L'Édition.

La reproduction est une fonction commune à tous les organismes vivants. Ce processus abstrus et parfois mystérieux débouchant sur la création d’un nouvel individu fascine de nombreux scientifiques de l’Université Paris-Saclay.

La reproduction peut être sexuée ou asexuée : soit elle nécessite deux individus de sexe différent et aboutit à la naissance d’un individu au matériel génétique inédit, soit un individu produit une « copie » de lui-même. Chez l’être humain, comme chez tous les autres mammifères, la reproduction est sexuée : elle nécessite deux cellules reproductrices, un gamète mâle (spermatozoïde) et un gamète femelle (ovule), porteurs de l’information génétique des individus parents. Lorsque les deux gamètes se rencontrent, c’est la fécondation : ovule et spermatozoïde fusionnent en une cellule appelée œuf, qui entre en division. L’embryon ainsi formé donne alors un fœtus qui se développe jusqu’à la naissance du nouvel individu. 

Il arrive cependant que la reproduction s’enraye, notamment chez l’être humain. Au sein de l’équipe Reproduction humaine et modèles animaux (RHuMA) du laboratoire Biologie de la reproduction, environnement, épigénétique et développement (BREED – Univ. Paris-Saclay, UVSQ, INRAE, ENVA), François Vialard étudie les mécanismes cellulaires et moléculaires à l’origine de dysfonctionnements du système reproducteur. « Notre travail consiste à identifier des anomalies génétiques. À l’avenir, nous espérons proposer des thérapies pour les contourner. Nous travaillons beaucoup sur la génétique des infertilités masculines et, en l’occurrence, sur les arrêts méiotiques », explique le chercheur.

La méiose est un processus de division cellulaire impliqué dans la formation des gamètes. Un arrêt méiotique peut conduire à une  azoospermie, soit l’absence de spermatozoïdes dans l’éjaculat, et donc à l’infertilité. « Pour le moment, nous avons tout juste démontré l’existence d’altérations génétiques, à l’origine des anomalies. Il faut désormais contourner le problème. Les origines de ces anomalies ne touchent qu’un seul gène. Si nous sommes capables de réparer l’anomalie sur ledit gène, alors celle-ci disparaît », complète le chercheur.

L’équipe animée par François Vialard s’intéresse également aux cas de fausses couches à répétition, avec l’idée que « le gamète féminin serait à l’origine de la plupart des anomalies chromosomiques ou aneuploïdiques chez l’embryon ». Les scientifiques de l’équipe RHuMA travaillent sur de nombreux autres projets autour du système reproducteur. L’équipe a notamment mis au point un modèle de perfusion placentaire, pour observer le passage transplacentaire de molécules thérapeutiques, notamment contre le cancer. La première greffe d’utérus en France a été rendue possible à Suresnes suite à ces études.

 

Lier la reproduction aux mathématiques

Hébergée au centre Inria de Saclay, l’équipe-projet Inria-INRAE-CNRS Multiscale population dynamics for physiological systems (MUSCA) aborde la question de la reproduction par un angle captivant : celui de la modélisation mathématique. « La fonction ovarienne est un système éminemment dynamique, que l’on observe aujourd’hui  principalement de manière  échantillonnée, ponctuelle et provenant généralement d’individus différents. Nous avons besoin d’une reconstruction dynamique, explique  Frédérique Clément, à l’origine de MUSCA. La reproduction est également finement contrôlée par de nombreux acteurs, notamment hormonaux, en interaction : tout devient alors extrêmement contre-intuitif. La modélisation permet de reconstruire une cohérence. » Le follicule ovarien, structure multicellulaire dans laquelle les ovocytes (ou futurs ovules) sont portés à maturation, est au cœur des études menées par les scientifiques de l’équipe MUSCA. « Notre travail consiste soit à caractériser finement l’évolution d’un follicule au cours de son développement, en termes de développement structurel et de dynamique cellulaire, soit à suivre l’évolution de la population de follicules, en les représentant chacun par un marqueur résumant sa maturité (son diamètre, par exemple). Notre objectif est de fusionner ces deux approches », complète Frédérique Clément.

Porté au sein de MUSCA par Romain Yvinec, le projet collaboratif OVOPAUSE tente de répondre aux grandes questions soulevées par les dynamiques folliculaires, en adoptant une approche de physiologie comparée entre différentes espèces. « C’est en comparant différents systèmes que l’on extrait les mécanismes propres et essentiels aux dynamiques observées. L’objectif d’OVOPAUSE est d’expliquer l’évolution de la population de gamètes femelles sur toute la durée de vie d’un individu », complète le chercheur. Le projet se focalise sur les systèmes reproducteurs des souris et des médakas, des petits poissons venus d’Asie du Sud-Est. « Plusieurs travaux ont déjà été menés concernant l’évolution des populations de gamètes sur le cycle ovarien, mais beaucoup moins sur l’ensemble de la durée de vie. Or, on sait que ces dynamiques-là débutent dès la naissance voire dans l’embryon. Des évènements se produisant très tôt dans la vie de l’individu peuvent avoir des conséquences sur son statut reproducteur », poursuit Romain Yvinec. 

Comme l’être humain, la souris est un mammifère à folliculogenèse (processus de création de follicules) dite non-renouvelée, ou quasi non-renouvelée : le stock de follicules constitué au stade périnatal ne cesse de décroître au cours de la vie de l’individu. Dans le cas des femelles médakas, la folliculogenèse est renouvelée par une production durable de nouveaux gamètes. « Notre but est de comparer ces deux stratégies au sein de modèles mathématiques, afin d’explorer la manière dont les organismes gèrent un stock de gamètes ou son renouvellement sur toute la vie d’un individu », conclut le chercheur.
À terme, les recherches en biologie de la reproduction offriront une meilleure appréhension de ce processus complexe et le développement de stratégies d’outils pour le diagnostic et la prise en charge des troubles de la reproduction.

Publications :

  • Baillif G. et al., Averaging of a Stochastic Slow-Fast Model for Population Dynamics: Application to the Development of Ovarian Follicles, SIAM Journal on Applied Mathematics, 82 (1), 2022. 
  • Capron C. et al., Evidence for high breakpoint variability in 46, XX, SRY-positive testicular disorder and frequent ARSE deletion that may be asso-ciated with short stature, Andrology, 10 (8), 2022.