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GreenBlue : Quand les plasmas froids s’invitent à la transition écologique

Recherche Article publié le 15 octobre 2021 , mis à jour le 21 octobre 2021

Lauréat d’une bourse ERC Advanced Grant pour son projet GreenBlue, Christophe Laux, professeur à CentraleSupélec et chercheur au laboratoire d’Énergétique moléculaire et macroscopique, combustion (EM2C – Université Paris Saclay, CNRS, CentraleSupélec), revient sur ses travaux relatifs aux plasmas froids hors-équilibre et leurs applications dans le secteur de l’énergie et de l’environnement.

Le plasma est un gaz réactif qui est dit froid lorsqu’il n’est pas issu de la fission ou de la fusion nucléaire. Quoique plus faible que celle des plasmas chauds, sa température peut tout de même atteindre plusieurs milliers de degrés. Pour le former, il suffit d’appliquer une décharge électrique à un gaz. Le champ électrique produit des électrons accélérés qui heurtent les molécules de gaz, les ionisent et les dissocient pour former des espèces réactives, comme les radicaux et les espèces atomiques. 

Ce mélange gazeux est le terrain d’étude de Christophe Laux, professeur au laboratoire d’Énergétique moléculaire et macroscopique, combustion (EM2C – Université Paris Saclay, CNRS, CentraleSupélec). Avec son équipe "Plasma hors-équilibre", le chercheur s’intéresse notamment aux réactions chimiques qui se produisent au sein des plasmas froids. « Ils offrent la possibilité de faire une chimie nouvelle et plus efficace », déclare le chercheur. 

 

Maîtriser les réactions chimiques

L’un des enjeux de cette chimie nouvelle est de sélectionner les réactions chimiques qui se produisent dans le gaz. « Pour les contrôler, on doit comprendre les phénomènes physiques à l’échelle moléculaire », explique Christophe Laux. C’est là que l’expertise de l’équipe de l’EM2C entre en jeu. En combinant physique, chimie et mathématiques, les scientifiques analysent les plasmas froids via des techniques de spectroscopie optique et laser pour quantifier les produits formés sous différentes conditions, et établissent des simulations numériques pour comprendre les résultats d’expérience.

Comme son nom l’indique, c’est en particulier sur les plasmas froids hors-équilibre que l’équipe se concentre. En ajustant les paramètres de la décharge électrique, les scientifiques parviennent à contenir les effets indésirables du plasma. Parmi eux, le chauffage du gaz représente une énorme perte d’énergie et de productivité d’espèces réactives. Générée par les collisions des molécules gazeuses avec les électrons, cette chaleur atteint des milliers de degrés en une vingtaine de nanosecondes (10-9 s). Pour la réduire, les scientifiques utilisent des décharges électriques pulsées : « Des impulsions de dix nanosecondes permettent à chaque électron de réaliser une centaine de collisions tout en limitant la production de chaleur ». 

Il ne reste plus qu’à utiliser le maximum de cette énergie pour produire les espèces réactives souhaitées. « On contrôle les réactions chimiques qui se produisent dans le gaz en ciblant les électrons aux bonnes énergies », ajoute Christophe Laux. À l’image d’une clé dans une serrure, chaque réaction chimique possède une énergie d’activation propre. Pour l’amorcer, l’électron doit posséder une énergie similaire. « En sélectionnant l’amplitude et la durée des impulsions électriques nanosecondes, on parvient à optimiser l’accélération [l’énergie] des électrons pour favoriser différentes réactions. » Ainsi, les scientifiques contrôlent les espèces chimiques produites dans le plasma et parviennent en une seule décharge à dissocier les molécules d’oxygène présentes dans l’air.

 

Agir pour la transition écologique

Ces études fondamentales s’adressent notamment aux secteurs de l’énergie et de l’environnement. Mais l’équipe de l’EM2C a choisi de concentrer ses efforts autour de trois axes : la valorisation du CO2, la production d’hydrogène vert et la réduction des émissions d’oxydes d’azote.

Grâce à un procédé utilisant les plasmas froids, les scientifiques recyclent le CO2 en dioxygène et monoxyde de carbone, des produits à forte valeur ajoutée pour la production d’hydrocarbures et de carburants dans l’industrie.

La start-up SPARK, spin-off de l’équipe "Plasma hors-équilibre" soutenue par la SATT Paris-Saclay et hébergée au sein du laboratoire EM2C, s’appuie sur cette même technologie pour produire de l’hydrogène décarboné à partir de méthane. Le produit secondaire de la réaction, le carbone solide, peut également être recyclé pour améliorer la santé des sols. « On inverse le processus industriel usuel en produisant du charbon au lieu de l’oxyder », remarque Christophe Laux.

Récemment, le chercheur s’est vu octroyer une bourse ERC Advanced Grant 2020 pour son projet GreenBlue (Greenhouse Gas and Pollutant Emission Reductions using Plasma-Assisted Combustion for a Blue Planet). Il vise à développer un système de combustion assistée par plasma pour réduire les émissions d’oxydes d’azote des moteurs d’avions de nouvelle génération, comme le ZEROe d’Airbus. Dans la lutte pour le climat, l’aviation s’oriente de plus en plus vers des carburants neutres en carbone, comme l’hydrogène, ou les carburants alternatifs et durables (Sustainable Alternative Jet Fuels). Néanmoins, leur combustion libère des oxydes d’azote qui sont toxiques et responsables de pluies acides et de la destruction de la couche d’ozone. « En diminuant la température de la flamme, on réduit sous certaines conditions la production des oxydes d’azote », précise Christophe Laux. Mais cela implique d’affaiblir la flamme, qui, telle une bougie en fin de vie, vacille et risque de s’éteindre. Grâce à la combustion assistée par plasma, les espèces réactives produites lors de la décharge électrique parviennent à la stabiliser. À l’aide de cette stratégie, les scientifiques ont démontré une combustion efficace avec une puissance de plasma inférieure à 1 % de celle de la flamme. Les interactions entre la flamme et le plasma demeurent complexes et pour les comprendre, les scientifiques développent des modèles numériques et des diagnostics optiques avancés. 

 

Une source illimitée d’innovations

L’équipe "Plasma hors-équilibre" consacre également une partie de ses travaux au secteur de l’aérospatial, en particulier l’entrée des engins spatiaux dans l’atmosphère terrestre et les débris engendrés par leur retour sur Terre. À cet effet, les scientifiques entament une seconde collaboration avec la NASA d’une durée de cinq ans dans le cadre d’un Space Act agreement. Une autre collaboration, avec l’entreprise TEQOYA, œuvre à la décontamination de l’air par décharges plasmas. Enfin, en maturation auprès de la SATT Paris-Saclay, une seconde spin-off, PICOS, s’applique à utiliser les plasmas froids pour désaliniser l’eau de mer et traiter les saumures.

Mais la liste des innovations ne s’arrête pas là et d’autres études abordent déjà l’utilisation de plasmas froids dans la synthèse de nanomatériaux, la médecine plasma (cautérisation, thérapie), la biodécontamination et l’agriculture plasma (traitement anti-germes).

 

Expérience illustrant le principe de combustion assistée par plasma.

 

Références :

 

Expérience illustrant le principe de combustion assistée par plasma

La décharge électrique produit des espèces réactives qui stabilisent la flamme. Le plasma est visible dans le bas de la vidéo (hauteur 5 mm, diamètre 0.5 mm). Crédits : Equipe Plasmas Hors Equilibre, Laboratoire EM2C.