Hélène Brogniez : comprendre le cycle de l’eau dans l’atmosphère

Portrait de chercheur ou chercheuse Article publié le 13 mars 2025 , mis à jour le 13 mars 2025

Hélène Brogniez est professeure des universités à l’Université de Versailles - Saint-Quentin-en-Yvelines (UVSQ), chercheuse en sciences de l'atmosphère et météorologie au Laboratoire des sciences du climat et de l’environnement (LSCE – Univ. Paris-Saclay/CEA/CNRS/UVSQ) et directrice de la Graduate School Géosciences, climat, environnement, planètes de l’Université Paris-Saclay. Spécialiste de physique de l'atmosphère, elle consacre ses recherches à la télédétection des propriétés atmosphériques des régions tropicales, principalement les systèmes orages, et à leur représentation dans les modèles climatiques.

« Quand j’ai commencé mes études de physique à l’Université de Lille, ce qui m’intéressait, plus que la dimension fondamentale de ma discipline, c’était ses applications concrètes », explique Hélène Brogniez. Une appétence pour le concret renforcée lors d’un stage de maîtrise effectué aux États-Unis dans un laboratoire définissant des capteurs de satellites pour faire des mesures de rayonnement. « Découvrir que l’on pouvait utiliser des satellites pour faire autre chose que des télécommunications ou de la surveillance a été pour moi un premier déclic », se souvient l’enseignante-chercheuse, qui décide alors de s’orienter vers l’observation de la Terre.

Cette décision prise, elle rejoint l’Université Pierre et Marie Curie où, après un DEA (l’équivalent d’un master 2 aujourd’hui) sur les méthodes de physique de télédétection, elle consacre une thèse, puis un post-doctorat à l’Université de Chicago, à l’utilisation de ces méthodes de télédétection pour mieux caractériser la distribution de la vapeur d'eau dans l'atmosphère. « Ce qui m’a alors énormément portée et qui a également constitué un tournant important dans mon parcours, c’est de constater que les mesures et les données que nous récoltions avec nos satellites permettaient également d’évaluer les modèles de climat et donc, d’une certaine manière, de servir à d’autres branches de la compréhension », explique l’enseignante-chercheuse.

Recrutée en 2006 comme maîtresse de conférences à l’UVSQ à l’issue de son post-doc, elle devient professeure des universités en 2021. Après dix-huit ans passés au Laboratoire atmosphères, observations spatiales (LATMOS – Univ. Paris-Saclay/CNRS/UVSQ/Sorbonne Univ.), elle rejoint en 2024 le Laboratoire des sciences du climat et de l’environnement (LSCE – Univ. Paris-Saclay/CEA/CNRS/UVSQ).
 

Des infrarouges aux micro-ondes

C’est donc à la compréhension du cycle de l’eau dans l’atmosphère, et plus précisément aux processus impliqués dans la distribution de la vapeur d’eau, qu’Hélène Brogniez consacre ses recherches depuis son DEA. « Pour avancer dans cette compréhension, j’essaie de développer des méthodes d’estimation de la vapeur d’eau atmosphérique à partir de mesures de télédétection », précise-t-elle.

Au cours de sa thèse centrée sur la troposphère tropicale, elle s’appuie ainsi sur des mesures réalisées dans le domaine des infrarouges, mais constate très vite que l’exploitation des données dans ce domaine spectral se heurte à un obstacle important : la présence de nuages interagissant avec le rayonnement infrarouge. « J’ai commencé mon post-doctorat à l’Université de Chicago à une époque où les capteurs micro-ondes se révélaient être très performants et intéressants pour le suivi de l’eau atmosphérique, c’est-à-dire pour l’humidité, les nuages et la pluie. J’ai donc légèrement changé mon fusil d’épaule en décidant de poursuivre mes activités de recherches dans l’exploitation du domaine micro-onde et de ses avantages », explique Hélène Brogniez. Un virage qui la fait aller plus loin dans la compréhension des dynamiques de transport dans l’atmosphère et suite auquel elle ne quitte jamais plus vraiment ce domaine de mesure.
 

Mission Megha-Tropiques : des algorithmes à la physique de l’atmosphère

Forte de cette expertise acquise dans le domaine des micro-ondes, Hélène Brogniez, une fois en poste à l’UVSQ, est invitée à rejoindre l’équipe de travail constituée autour du projet franco-indien de mission spatiale Megha-Tropiques. L'objectif principal de ce projet : étudier les échanges d’énergie qui ont lieu au sein de l’atmosphère tropicale. « En 2009, j’ai pris la responsabilité de l’exploitation et de la définition des algorithmes d’analyse des futures mesures de Megha-Tropiques. Une fois le satellite lancé en 2011, j’ai également organisé une campagne de mesures de terrain au Burkina Faso, sur la trace du satellite, pour valider la partie algorithmique que j’avais contribué à mettre en place », indique l’enseigante-chercheuse.

Cette mission contribue à collecter énormément de données au cours des douze ans de vol de Megha-Tropiques, et Hélène Brogniez, au cours des années suivantes, travaille avec des ingénieurs et ingénieures, et des doctorantes et doctorants à une meilleure compréhension des mécanismes d’évolution de l’eau atmosphérique dans un contexte de changement climatique. « Un des enjeux de ce type de recherche est de comparer nos diagnostics d’observation aux différents modèles de climat afin d’aider les modélisateurs dans leurs travaux d’amélioration de la représentation des processus atmosphériques », précise l’enseignante-chercheuse.
 

Mission C2omodo : comprendre la dynamique des orages

La carrière d’Hélène Brogniez prend un nouveau tournant en 2019, lorsqu’on lui propose, et qu’elle l’accepte, de devenir responsable scientifique de la mission C2omodo (Convective core observations through Microwave derivatives in the tropics) dont le lancement est prévu en 2028. Développée par le CNES, l’agence spatiale française, au sein du programme international AOS (Système d’observation de l’atmosphère) piloté par la NASA, cette mission a pour but, grâce à deux instruments jumeaux se suivant à une minute d’intervalle, de fournir des mesures sur la dynamique rapide de développement des orages, et d’en améliorer leur compréhension et ensuite leur représentation numérique.

« Concrètement dans ce projet, une fois la mission lancée, l’idée pour moi sera notamment d’essayer de voir comment l’humidité autour des nuages modifie la durée de vie ou l’intensité des orages. Avec toujours en tête cet objectif de confronter les modèles numériques à des données d’observation et ainsi, in fine, de contribuer à améliorer les modèles météorologiques et climatiques. Mais pour l’heure, nous travaillons surtout à la manière dont nous allons gérer la donnée et aussi, c’est inévitable, à la communication autour de cette future mission », explique l’enseignante-chercheuse.
 

Le dialogue pour fil rouge

S’il est un invariant dans la carrière d’Hélène Brogniez, c’est bien celui du dialogue ! « Depuis le début de mes recherches, j’ai en effet la chance, moi qui appartiens à la communauté des observateurs et observatrices, d’être en dialogue constant avec celle des modélisateurs et modélisatrices », explique-t-elle. Ce dialogue, Hélène Brogniez contribue également à le faire vivre entre chercheurs et chercheuses depuis quelques années au sein de la Graduate School Géosciences, climat, environnement, planètes de l’Université Paris-Saclay.

Rassemblant sept laboratoires de recherche représentant un effectif total d’environ 650 personnes, cette Graduate School a pour caractéristique de s’appuyer sur l’utilisation d’approches multiples et complémentaires, telles que le travail de terrain, des mesures en laboratoire, de la télédétection, des missions spatiales, de la modélisation numérique et de la simulation expérimentale. « Si la force de ce collectif est immense, elle ne doit pour autant pas être redondante avec ce qui se fait au sein de l’Institut Pierre Simon Laplace auquel appartiennent également un grand nombre de nos membres. C’est pourquoi nous réfléchissons encore à notre positionnement, pour que, à l’échelle de l’Université Paris-Saclay, nous puissions apporter quelque chose de différenciant. L’aventure ne fait donc que commencer », conclut l’enseignante-chercheuse.


 

Hélène Brogniez