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Igor Ferrier Barbut : Explorer la lumière à l’échelle atomique

Portrait de chercheur ou chercheuse Article publié le 30 mars 2023 , mis à jour le 13 avril 2023

Igor Ferrier Barbut est chercheur au Laboratoire Charles Fabry (LCF – Univ. Paris-Saclay, IOGS, CNRS). Il expérimente la diffusion de la lumière grâce à une variété d’expériences sur différents systèmes à l’échelle atomique. Ses travaux très encourageants lui ont valu d’être récemment lauréat d’une bourse de recherche du Conseil européen de la recherche (European Research Council ou ERC) et d’obtenir le prix Jacques Herbrand 2022 de l’Académie des sciences.

Fils et petit-fils de chercheurs, Igor Ferrier Barbut baigne dans les sciences depuis l’enfance. Après avoir obtenu sa licence de physique en 2009 à l’Université Joseph Fourier à Grenoble (aujourd’hui Université Grenoble Alpes), il fait une première année de master à Berkeley puis revient à Paris en master 2 de physique quantique à l’ENS (Ulm). Il enchaîne avec une thèse qu’il soutient à la fin de l’année 2014 au Laboratoire Kastler Brossel (LKB – CNRS, Collège de France, ENS -PSL, Sorbonne Univ.). Puis, le jeune physicien part à Stuttgart, en Allemagne, se perfectionner pendant un peu plus de trois ans sur les atomes froids dans le cadre d’un post-doctorat. En 2018, il est recruté comme chargé de recherches CNRS au Laboratoire Charles Fabry (LCF)

 

La physique fondamentale à grand nombre de particules 

Spécialisé en optique, dans des domaines variés, dont la physique atomique pour une part importante, le LCF dénombre une centaine de personnes, dont une quarantaine de chercheurs et chercheuses permanentes. Igor Ferrier Barbut est membre de l’équipe « Atomes », du groupe « Optique quantique », dont Antoine Browaeys est le responsable. Les activités d’optique quantique du laboratoire datent des travaux d’Alain Aspect, qui ont valu à ce dernier le prix Nobel de physique en 2022.

« Faire de la physique fondamentale à grand nombre de particules avec des systèmes en physique atomique est mon cœur de métier. Je tente de résoudre des problèmes simples à poser mais très difficiles à résoudre », résume le physicien. Il explore la diffusion de la lumière en réalisant des expériences pour mieux comprendre son interaction avec la matière. « Décrire le comportement collectif global d’un système contenant un grand nombre d’atomes devient très difficile lorsqu’ils sont en interaction les uns avec les autres, en particulier lorsqu’il s’agit de systèmes décrits par les lois de la physique quantique. » Alors le chercheur construit avec son équipe des systèmes à N corps (à grand nombre de particules) grâce à plusieurs méthodes. 

 

Un aller-retour entre théorie et expériences

Pour Igor Ferrier Barbut, l’optique quantique est donc à la fois un outil de préparation des expériences et un objet de mesure de l’interaction de la lumière avec l’ensemble atomique. « Nous savons qu’un ensemble d’atomes qui émet collectivement de la lumière peut être une ressource intéressante parce qu’elle est par exemple très stable. Elle peut ainsi être utilisée pour des mesures de métrologie très précises. Or, nous sommes en capacité de bien décrire un atome qui interagit avec la lumière mais dès que nous commençons à en étudier beaucoup à la fois, le problème devient trop complexe à résoudre, détaille le chercheur. Nous réalisons donc des approximations voire parfois des prédictions. Celles-ci sont testées lors des expériences car nous savons qu’elles peuvent se placer dans un régime où les approximations ne sont pas vérifiées. C’est cet aller-retour entre la théorie et l’expérimental qui nous permet d’avancer », complète le physicien.

 

Mieux maîtriser la lumière

Après avoir démarré ces recherches avec le projet DEAR (Dissipation-engineered atom arrays), financé par l’Agence nationale de la recherche (ANR), Igor Ferrier Barbut poursuit avec le projet CORSAIR (Controlled subradiance in atomic arrays), lauréat d’une ERC Starting Grant du Conseil européen de la recherche et qui débute en septembre 2022. Cette bourse de recherche lui donne les moyens nécessaires sur cinq années pour construire une nouvelle plateforme expérimentale qui rendra possible un accès inédit et un niveau de contrôle optimal de chaque atome individuellement, basés sur la manipulation d’atomes uniques de dysprosium. L’enjeu est effectivement aujourd’hui de réussir à manipuler chacun d’entre eux pour identifier comment ceux-ci émettent la lumière précisément. « Grâce à CORSAIR, nous observerons et mesurerons ce qui crée des corrélations et vice-versa, et comment ces corrélations sont à l’origine d’un champ lumineux qui diffère de celui, classique, auquel on s’attendrait », développe le chercheur.

Une première expérience dans un système extrêmement simple a permis d’observer dans l’espace libre des effets collectifs très intéressants, notamment un état dans lequel les atomes émettent à l’unisson et de façon continue de la lumière. « Ce fût une surprise, affirme le chercheur. Cette transition de phase (hors équilibre) avait été prédite mais personne ne s’attendait à ce qu’on puisse la réaliser expérimentalement si simplement. Le système étudié se comporte collectivement d’une manière différente de la somme de tous les constituants pris séparément. »
 
La suite de ce projet consiste à directement étudier les photons individuels. « Nous pourrons ainsi caractériser les temps d’arrivée des photons et leur organisation, ce qui nous donnera beaucoup de renseignements sur la nature de la lumière émise. »

 

« La plupart des chercheurs aiment parler de leur métier. » 

L’obtention, en octobre 2022, par Igor Ferrier Barbut du prix Jacques Herbrand de l’Académie des sciences, qui récompense chaque année alternativement de jeunes (moins de 35 ans) mathématiciennes ou mathématiciens, ou physiciennes ou physiciens, a jeté un grand coup de projecteur sur l’ensemble de ses travaux. « Je mesure l’encouragement que ce prix représente pour l’équipe et le laboratoire. J’ai eu la chance d’avoir rencontré les bonnes personnes », déclare le jeune physicien, qui profite en effet de la notoriété mondiale de ces collègues du LCF, Antoine Browaeys et Thierry Lahaye.

Il apprécie à son tour de partager ses recherches, que ce soit en enseignant aux étudiantes et étudiants de première année à l’Institut d’Optique Graduate School et celles et ceux en master 2 Quantum, Light, Materials and Nano Sciences de l’Université Paris-Saclay, ou en participant activement à l’organisation de la Fête de la Science dans son laboratoire, qui a attiré cette année avec le prix Nobel de physique décerné à Alain Aspect, de nombreuses étudiantes et de nombreux étudiants de tous les niveaux d’études de l’Université. « Un des avantages de cet environnement exceptionnel est de pouvoir recruter d’excellentes étudiantes et étudiants, conclut Igor Ferrier Barbut. Ce sont elles et eux qui font la recherche. Mon rôle consiste à les motiver en soulignant les résultats positifs de leurs expériences, tout en traçant la perspective de leurs idées. »

 

Igor Ferrier-Barbut