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Isabelle Schwartz : comprendre la réponse immunitaire au travers des espèces

Portrait de chercheur ou chercheuse Article publié le 22 juillet 2021 , mis à jour le 29 juillet 2021

Isabelle Schwartz est chercheuse au sein du laboratoire Virologie et immunologie moléculaire (VIM - Université Paris-Saclay, UVSQ, INRAE) et responsable de l’équipe Vaccins, immunopathologie, immunomodulation (V2I). De formation vétérinaire, passionnée par la physiologie et la pathologie comparée entre espèces, elle se spécialise au début des années 2000 sur le rôle des cellules dendritiques dans la réponse immunitaire. Une expertise qui lui permet aujourd’hui de se consacrer à un travail de recherche translationnelle autour de l’immunomodulation en transplantation pulmonaire.

Engagée au début des années 80 dans des études vétérinaires à Maisons-Alfort, Isabelle Schwartz réalise au cours d’un stage consacré à la sensibilité des cellules cancéreuses aux macrophages que la dynamique intellectuelle propre à la recherche l’enthousiasme beaucoup plus que la pratique de la médecine vétérinaire. Une prise de conscience qui la pousse, dès sa thèse vétérinaire achevée, à s’engager dans un DEA (l’équivalent aujourd’hui d’un master 2) consacré à la leucose bovine, maladie de transformation maligne des lymphocytes induite par le rétrovirus leucémogène bovin (BLV), au laboratoire Immunopathologie cellulaire et moléculaire de l’École vétérinaire de Maisons-Alfort. Elle part ensuite au Canada, à Toronto, pour effectuer une thèse de sciences portant sur la transformation tumorale, suivie d’un post-doc en médecine humaine sur la résistance des tumeurs à la chimiothérapie. « C’est au cours de ces années d’études que j’ai développé les valences qui allaient devenir essentielles dans la suite de ma carrière : l’envie de développer des connaissances et des approches thérapeutiques en médecine humaine et vétérinaire en m’appuyant sur des modèles grands mammifères, sur lesquels j’avais travaillé dans le cadre de mon DEA », indique la chercheuse. 

 

À l’origine : une double culture 

C’est donc forte de cette double culture qu’Isabelle Schwartz débute sa carrière à l’INRA (aujourd’hui INRAE) en 1991 en intégrant le laboratoire où elle a effectué son DEA. Seule chargée de recherche de son unité, elle anime alors une petite équipe avec laquelle elle parvient, en conjuguant oncogenèse, virologie et immunologie, à construire un projet sur la transformation maligne par le BLV. « Malgré l’isolement scientifique dont souffrait alors Maisons-Alfort et la taille restreinte de l’équipe, nous avons réussi, au cours des six années que nous avons consacrées à ce projet, à produire de bons résultats scientifiques », se souvient Isabelle Schwartz. De bons résultats certes, mais la chercheuse comprend très vite qu’avec l’éradication sanitaire du BLV ses travaux risquent de perdre de leur intérêt. « J’ai alors obtenu en 1997 une mobilité en génétique moléculaire au sein de l’Institut Cochin pour me former à l’immunologie des muqueuses qui m’intéressait alors, ce qui m’a amenée à rejoindre en 1999 l’équipe Rotavirus de l’unité de Virologie et immunologie moléculaire (VIM) de Jouy-en-Josas. » 

 

Le rôle clé des cellules dendritiques dans la réponse immunitaire

Lorsqu’elle intègre cette équipe Rotavirus, Isabelle Schwartz a en tête de développer la technique de cathétérisme lymphatique chez le mouton. « J’avais beau savoir que cette technique, lourde et coûteuse, était difficile à mettre en œuvre, je pressentais qu’elle pouvait apporter des connaissances originales à l’immunologie des muqueuses. » Une intuition qui aurait pu en rester là sans la rencontre de Michel Bonneau qui dirige alors une plateforme de chirurgie installée à Jouy-en-Josas. « Convaincu par l’approche que je proposais d’explorer, Michel a immédiatement accepté de m’ouvrir sa plateforme. Ensemble, nous avons développé de novo un modèle d’étude original des cellules dendritiques par cathétérisme lymphatique, sur différents territoires (muqueux et peau) et sur différentes espèces (moutons, porcs). Et c’est grâce à ces modèles que nous avons commencé à décrire les caractéristiques fonctionnelles et moléculaires de ces cellules, rares mais essentielles à la mise en place des réponses immunes. À l’époque, ces cellules étaient très mal connues, notamment dans les tissus et a fortiori lors de leur phase migratoire. Nous étions donc plutôt pionniers en la matière. » On est alors en 2003 et Isabelle Schwartz crée l’équipe Vaccins, immunopathologie, immunomodulation (V2I) dont elle est aujourd’hui encore responsable. « Les premières années, nous nous sommes focalisés sur l’étude des cellules dendritiques, d’abord à l’état basal puis en cas d’infections virales, ce qui nous a conduit à comprendre le rôle que jouaient ces dernières dans la réponse immunitaire », ajoute Isabelle Schwartz. 

 

L’optimisation de l’efficacité vaccinale

C’est ensuite au service de l’efficacité vaccinale qu’Isabelle Schwartz décide de mettre à profit son expertise en immunologie des cellules dendritiques comparée en trans-espèces, en collaboration avec Marc Dalod du Centre d’immunologie de Marseille-Luminy. « Sur la base de nos connaissances moléculaires et fonctionnelles des cellules dendritiques, nous avons, avec mon équipe, développé plusieurs programmes visant à cibler ces cellules et les macrophages pour optimiser l’efficacité vaccinale chez les ruminants et le porc », indique la chercheuse. En l’espace de quelques années, Isabelle Schwartz coordonne ainsi cinq projets financés par l’Agence nationale de la recherche (ANR) ainsi qu’un projet européen H2020. En parallèle de ces travaux, elle continue de s’intéresser aux interactions entre cellules dendritiques, macrophage et virus chez les ruminants puis chez les porcs. 

 

L’immunomodulation de la réponse immunitaire 

Contactée par Édouard Sage, un chirurgien thoracique de l’Hôpital Foch, Isabelle Schwartz donne en 2018 une nouvelle orientation à sa carrière. Spécialiste de transplantation pulmonaire chez l’être humain, le chirurgien espère bénéficier de l’expertise de la chercheuse et de son équipe sur les cellules dendritiques et les macrophages pour identifier des pistes thérapeutiques d’amélioration de survie des greffes grâce au modèle préclinique porcin. « Enchantée à l’idée de travailler avec des cliniciens, j’ai immédiatement perçu la complémentarité de nos expertises. Avec Édouard, nous avons alors fait le choix d’unir nos forces pour conduire des stratégies d’immunomodulation chez le porc et améliorer l’acceptation des greffons. » C’est ainsi qu’une nouvelle thématique sur l’immunomodulation de la réponse immunitaire est initiée au sein de l’équipe V2I dans le cadre de la création de l’unité VIM. En 2020, l’équipe saisit l’opportunité de mettre son modèle de poumon perfusé et ventilé ex vivo au service du projet de l’ANR Flash-Covid-19 (Icare), dont le but est d’identifier les premières cibles cellulaires et leurs réponses lors des premières étapes d’une infection au SARS-CoV-2. 

 

Vers une recherche translationnelle 

S’il est une constante dans le parcours d’Isabelle Schwartz, c’est bien son goût pour le dialogue entre disciplines. « Je pense que je dois à ma formation vétérinaire d’avoir développé une réflexion transdisciplinaire qui m’aide à échanger assez facilement avec mes collègues, qu’ils ou elles soient médecins, biostatisticiens ou biologistes moléculaires ! » Rien d’étonnant à ce qu’Isabelle Schwartz ait aujourd’hui pour principal objectif de continuer à s’investir dans des projets de recherche translationnelle. « Moi qui ai cherché à mettre les modèles gros animaux au service d’applications vétérinaires et biomédicales, je ne peux que me réjouir de constater que nous sommes de plus en plus nombreux à promouvoir une approche intégrée de la santé », conclut la chercheuse.