Just Do Maths! : des mathématiciennes s’exposent contre les stéréotypes

Diversité-Egalité-Inclusion-Handicap Article publié le 04 mars 2025 , mis à jour le 11 mars 2025

Cet article est issu de L'Édition n°24.

L’exposition Just Do Maths! rassemble dix portraits de mathématiciennes de l’Université Paris-Saclay dans le but de sensibiliser aux questions de parité en mathématiques. Après un passage au Lumen et à l’IHES, l’exposition voyagera sur différents campus de l’Université jusqu’en 2025.

Début avril, c’est une exposition inédite qui prend ses quartiers à l’Institut des hautes études scientifiques (IHES) à Bures-sur- Yvette. Sur des panneaux fièrement dressés, s'enchaînent les portraits de dix femmes qui ont toutes un point commun : elles sont mathématiciennes. Just Do Maths! (Faites des maths ! en français) clame l’affiche de l’exposition photographique. Le message pourrait difficilement être plus clair. Mais l’objectif de l'événement va bien au-delà.

Dix mathématiciennes aux parcours divers

« Au départ, nous voulions publier de nouveaux portraits sur le site Internet de l’Université Paris-Saclay car les mathématiques y sont peu représentées et les mathématiciennes encore moins », explique Maëva Fézas, manager des formations de la Graduate School Mathématiques de l’université, à l’origine du projet. « Et puis nous nous sommes demandé quel serait le meilleur format pour inciter les gens à lire ces portraits. C’est là que l’idée d’y ajouter une exposition photographique, couplée à des événements – des rencontres, conférences,débats – nous est venue. » 

En collaboration avec les différentes composantes, écoles, universités membres-associées et organismes nationaux de recherche partenaires de l’Université, l’équipe de la GS Mathématiques sélectionne finalement dix mathématiciennes dont les parcours professionnels et les thèmes de recherche s’exposent sur les panneaux de l’exposition.Calcul appliqué, analyse topologique des données, géostatistique, analyse numérique… Leurs travaux donnent un aperçu des multitudes d’univers et d’applications associés aux mathématiques.

« Nous tenions à ce que les portraits évoquent des thématiques diverses, en mathématiques appliquées comme fondamentales, et qu’ils soient issus de plusieurs laboratoires. Nous voulions aussi mettre en avant des mathématiciennes aux carrières un peu différentes et présentes au quotidien dans la vie universitaire en tant qu’enseignantes, responsables de formation, encadrantes de stage ou mentors », précise Maëva Fézas.

Les mathématiques, l’une des disciplines les moins féminisées

Des mathématiciennes pour casser les stéréotypes et inspirer les étudiantes. Car Just Do Maths! n’est pas qu’une simple exposition photo, elle est surtout un prétexte pour sensibiliser aux questions de parité en mathématiques et à la place des femmes dans cette discipline qui demeure l’une des moins féminisées de l’enseignement supérieur et de la recherche en France.

« En 2022, les femmes représentaient 22 %des effectifs d’enseignants-chercheurs en mathématiques », confirme Catherine Goldstein, mathématicienne et historienne des mathématiques, lors d’une conférence tenue à l’IHES en parallèle du lancement de l’exposition Just Do Maths! dans ce lieu. La tendance ne semble d’ailleurs pas s’inverser, bien au contraire. « Les chiffres montrent que la situation est très stable en France. Dans les années 90, la part de femmes dans la discipline était déjà d’environ 22 % », précise l’historienne. Pour certaines branches, les effectifs sont même encore plus faibles. « Il y a quelques années, l’un de nos collègues, Christian Kassel, a affirmé que les enseignantes- chercheuses en mathématiques pures étaient une “espèce menacée” qui pourrait disparaître en 2050. »

Une réforme « catastrophique » pour l’enseignement des maths

Mélanie Guenais, mathématicienne à l'Université Paris-Saclay et vice-présidente de la Société mathématique de France, dénonce, lors de son intervention à l’inauguration de l’exposition au Lumen en mars, une autre situation préoccupante due à la dernière réforme des lycées. Adoptée en 2018, cette réforme a supprimé l’enseignement obligatoire des mathématiques au lycée. 

Ceci a eu pour effet de faire baisser le nombre d’élèves en parcours scientifique de plus de moitié pour les filles, « aggravant nettement les inégalités de genre. » Ainsi, la part des filles est retombée au niveau observé dans les années 60. « Nous sommes remontés soixante ans en arrière », constate Mélanie Guenais. 

Si cette réforme a asséné un nouveau coup à l’enseignement de la discipline,le problème de non-parité dans les maths a de multiples racines. Les stéréotypes sont l’une d’entre elles, de même que le sexisme qui reste très prégnant, dénonce Mélanie Guenais. Le manque de femmes en maths et leur faible visibilité entraînent un manque de modèles féminins qui entretient aussi cette non-parité, selon Clémence Perronnet, sociologue et co-autrice de l’ouvrage Matheuses – Les filles, avenir des mathématiques (CNRS Éditions, 2024), également invitée à donner une conférence à l’IHES en marge de l’exposition.

Lors d’une étude sociologique menée dans un camp d’été de maths, « deux tiers des filles présentes nous ont déclaré ne jamais avoir rencontré de femme chercheuse ou ingénieure », souligne-t-elle lors de son intervention. « Nous pensons qu’avoir des modèles, réels ou fictifs, auxquels s’identifier est une chose clé pour se projeter. Mais les modèles scientifiques féminins sont encore beaucoup trop rares et trop peu diversifiés. »

L’exposition en voyage à travers les campus

Affiche de l'exposition Just Do Maths!

Avec ses dix portraits de mathématiciennes de tous horizons, Just Do Maths! entend combler ce manque. Pour cela, l’exposition itinérante poursuit son périple à travers les campus de l’Université, grâce aux différentes entités qui ont collaboré avec l’équipe de la GS Mathématiques pour donner une plus grande ampleur au projet. 

Après une inauguration au Lumen et un passage à l’IHES et l’ENS Paris-Saclay, l’exposition a notamment été accueillie à AgroParisTech, à CentraleSupélec ainsi qu'à l'Institut de mathématiques d'Orsay. Depuis le 27 janvier et jusqu'au 6 mars 2025, Just Do Maths! est à découvrir au Laboratoire de mathématique et de modélisation d’Évry (LaMME). L'exposition passera ensuite le printemps au Centre Inria de Saclay à Palaiseau.

 

 


 

Couverture de L'Edition 24 VF

 

 

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