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Maladies neurodégénératives : des liens entre astrocytes et symptômes neuropsychiatriques

Recherche Article publié le 10 mars 2022 , mis à jour le 10 mars 2022

Des chercheuses du Laboratoire des maladies neurodégénératives  : mécanismes, thérapies, imagerie (LMN - Université Paris-Saclay, CEA, CNRS) présentent une nouvelle approche à l’étude de ces maladies, couramment explorées sous l’angle neuronal. Elles proposent d’ouvrir l’analyse aux cellules gliales : les astrocytes.

Les maladies neurodégénératives - comme les maladies d’Alzheimer, de Parkinson ou d’Huntington - sont des maladies qui affectent le système nerveux central et dont les symptômes s’aggravent avec le temps. Si ces maladies sont associées à des symptômes incapacitants, comme la perte de mémoire pour la maladie d’Alzheimer ou des symptômes moteurs pour la maladie de Parkinson, elles peuvent également engendrer des troubles neuropsychiatriques précoces (dépression, apathie, irritabilité, anxiété, hallucinations etc.), qui contribuent à altérer la qualité de vie des patients. De récentes publications suggèrent l’importance de considérer les symptômes neuropsychiatriques comme des facteurs aggravant la progression des maladies neurodégénératives et qui sont souvent mal pris en charge par les traitements médicamenteux existants, notamment chez les patientes et les patients les plus âgés.  Jusqu’à récemment, les études consacrées aux maladies neurodégénératives portaient majoritairement sur les neurones. Mais les chercheuses Lucile Ben Haim et Carole Escartin du Laboratoire des maladies neurodégénératives (LMN - Université Paris-Saclay, CEA, CNRS) proposent de dépasser cette limite : en se basant sur la littérature la plus récente publiée sur le sujet, elles justifient l’intérêt  de prendre davantage en compte les cellules gliales, comme les astrocytes.

 

Cellules gliales et neurones : des partenaires particuliers

Les cellules gliales entourent les neurones : elles forment leur environnement immédiat et ont pour fonction de réguler le fonctionnement des cellules nerveuses et de maintenir leur équilibre. Elles leur fournissent par exemple des nutriments ou aident à éliminer leurs déchets. On distingue plusieurs types de cellules gliales, dont les astrocytes qui constituent la macroglie. Dans leurs travaux, les chercheuses du LMN s’intéressent particulièrement à ces cellules en forme d’étoile, bien que toutes les autres cellules gliales soient nécessaires aux neurones. Lucile Ben Haim l’explique de la manière suivante : « Les astrocytes ont des interactions très étroites avec les neurones. Toute altération astrocytaire affectera donc le bon fonctionnement des neurones. » Elles peuvent ainsi contribuer aux effets délétères observés en condition pathologique. Dans les maladies neurodégénératives comme la maladie d’Alzheimer, de nombreuses études montrent en effet que le dialogue astrocyte-neurone est anormal et contribue aux déficits de mémoire dans des modèles murins.

 

Un lien entre astrocytes, symptômes neuropsychiatriques et maladies neurodégénératives ? 

Plus récemment, plusieurs études pointées par les chercheuses du LMN montrent qu’une altération des astrocytes - induite par différentes approches expérimentales - dans le cerveau d’animaux de laboratoire entraîne le développement de symptômes neuropsychiatriques. Cela passe par une diminution de l’expression de protéines nécessaires au bon fonctionnement des astrocytes et à leur communication avec les neurones. Lucile Ben Haim et Carole Escartin formulent l’hypothèse qu’une altération de la relation neurones-astrocytes sous-tendrait les symptômes neuropsychiatriques dans les maladies neurodégénératives. Elles invitent la communauté scientifique à étudier les chaînons manquants entre astrocytes, symptômes neuropsychiatriques et maladies neurodégénératives.

 

Un projet prometteur

C’est tout l’objectif du projet de recherche fraîchement démarré par les deux chercheuses, qui cible spécifiquement les astrocytes dans le traitement des symptômes dépressifs liés à la maladie d’Alzheimer. L’ambition est de rétablir le partenariat entre les neurones et les astrocytes et de déterminer si, en manipulant les astrocytes, il est possible de réduire les symptômes neuropsychiatriques précoces, voire d’influencer les symptômes cognitifs plus tardifs de la maladie. Le développement d’outils de thérapie génique visant à rétablir ce partenariat constitue un enjeu majeur du projet. 

Les travaux n’en sont qu’à leurs débuts, mais les espoirs qu’ils suscitent pour les malades sont immenses. Aborder l’étude des maladies neurodégénératives à partir des cellules gliales reste encore trop peu développé. Pourtant, ce champ de recherche a vraisemblablement beaucoup à apporter. 

 

Référence :

Lucile Ben Haim, Carole Escartin, Astrocytes and neuropsychiatric symptoms in neurodegenerative diseases: Exploring the missing linksCurrent Opinion in Neurobiology, Volume 72, 2022, Pages 63-71.