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Phuong Thuy Vo : la modélisation mathématique appliquée à la biologie et l’écologie

Portrait de chercheur ou chercheuse Article publié le 04 mars 2024 , mis à jour le 15 mars 2024

Phuong Thuy Vo est membre du Laboratoire de mathématiques et modélisation d'Évry (LaMME – Univ. Paris-Saclay, CNRS, Univ. d’Évry, ENSIIE, INRAE). Elle s’est spécialisée dans le domaine des graphes et des réseaux aléatoires, appliqués en particulier aux études statistiques en biologie médicale et en écologie. Elle est également maîtresse de conférences à l’École nationale supérieure d'informatique pour l'industrie et l'entreprise (ENSIIE) à Évry.

Membre de l’équipe Statistiques & Génome, l’une des trois que compte le LAMME, Phuong Thuy Vo évoque sa jeune carrière de mathématicienne et sa vocation, qui prend sa source au Vietnam, son pays de naissance. « J'ai toujours aimé les mathématiques, se souvient-elle, pour la beauté des équations et surtout l’intérêt qu’elles représentent dans de très nombreux domaines d’application. »  Après un bac scientifique, elle étudie au département de mathématiques de l’Université de Hue, au Vietnam, de 2010 à 2014. Elle est ensuite sélectionnée en master 1 à l’Institut de mathématiques de l’Académie de la science et de la technologie du Vietnam. C’est dans cet institut international, où les conférences sont données par des professeurs et des experts de différents pays du monde, que la mathématicienne rencontre Jean-Stéphane Dhersin, enseignant-chercheur à l'Université Sorbonne Paris-Nord. Il lui offre l’opportunité d’obtenir une bourse pour poursuivre ses études en France.


Du Vietnam à Évry

Elle obtient ainsi en 2016 son master 2 (Mathématiques appliquées : probabilités et statistiques) à l’Université Sorbonne Paris-Nord. Par la suite, Jean-Stéphane Dhersin devient son directeur de thèse. « Je me suis spécialisée dans les graphes aléatoires appliquées en biologie. En particulier, j’ai contribué à modéliser la propagation des épidémies. » Un sujet prémonitoire puisqu’elle soutient sa thèse en pleine pandémie de Covid-19, en novembre 2020. Pour y mettre un point final, la jeune mathématicienne enseigne en tant qu’attachée temporaire d’enseignement et de recherche à l’Université Gustave Eiffel, à Marne-la-Vallée. Elle enchaine avec un post-doctorat à l’ENS de Lyon au sein de l'Unité mathématiques pures et appliquées (UPMA) jusqu’en septembre 2022, date à laquelle elle est recrutée en tant que maîtresse de conférences associée au LAMME.


Améliorer les modèles aléatoires

Les travaux de recherche de Phuong Thuy Vo portent principalement sur la théorie mathématique des graphes aléatoires. Elle traite la partie théorique des questions probabilistes et statistiques appliquées à différents domaines. « Pendant ma thèse, j’ai par exemple mis au point un modèle théorique complexe, appliqué aux statistiques des populations qui font usage de drogues. Ce modèle est basé sur des modèles de graphes aléatoires spécifiques, tels que celui de Erdös-Rényi, combinés à des méthodes stochastiques. » L'objectif est de retrouver dans les statistiques les personnes « qu’on ne voit pas », c’est-à-dire celles qui n’y sont pas prises en compte car difficilement accessibles. Cette opération est menée avec le moins de biais possibles à partir d’un échantillon de cette population. « Nous réalisons la partie théorique en mettant au point une méthode d'échantillonnage que nous testons ensuite sur ce type de population. »


Modéliser un diagnostic médical…

« On peut modéliser tous les phénomènes avec les mathématiques ! », s’extasie Phuong Thuy Vo. Aujourd’hui, elle participe à différents projets de recherche et s’ouvre à de nouveaux domaines. « Je m’oriente actuellement vers le machine learning et l’intelligence artificielle appliqués à la biologie et à l’écologie. Les nombreuses applications de deep learning et du Big Data m'intéressent beaucoup. » Elle collabore avec des collègues de tous horizons disciplinaires, principalement à l’Université Paris-Saclay et ailleurs en France. Ainsi, elle poursuit une collaboration entamée pendant son post-doctorat avec l'École normale supérieure de Lyon sur un projet dans le domaine des sciences du Vivant. La mathématicienne monte également, en collaboration avec des collègues de Toulouse et d’INRIA Bretagne, un projet de chaire en machine learning et statistical learning appliqués aux enjeux du diagnostic médical. « Je contibue à un projet de détection précoce d’un cancer de la peau. Pour moi, il s’agit tout simplement de faire progresser la santé, se réjouit-elle. L’objectif est d’aider les médecins en réduisant considérablement leur travail au commencement de leur diagnostic médical. La machine peut en effet détecter le cancer en un temps record. Notre rôle consiste alors à évaluer dans le modèle l'incertitude de la prédiction des modèles de machine learning utilisés. »


… ou une statistique climatique

Phuong Thuy Vo souhaite aussi étudier le statistical motion learning pour modéliser les problématiques du climat. Elle a d’ailleurs abordé ces sujets pendant sa thèse à l’occasion de sa participation aux travaux de la chaire Modélisation mathématique et biodiversité portée par Sylvie Méléard. Elle en a fait de même lors de son post-doc et le projet « mathématique et biodiversité » destiné à modéliser les évolutions de variations phénotypiques sous les impacts de l’environnement.


Favoriser les liens avec le Vietnam

Si Phuong Thuy Vo enseigne aux élèves en licence 3 et master 1 de l’ENSIIE, elle avoue préférer la recherche mais trouve dans l'enseignement « un excellent moyen de diffuser ses travaux de recherche en en discutant avec les étudiantes et étudiants. Et surtout, cela aide à repérer les plus motivés d’entre elles et d’entre eux pour les recruter en stage au laboratoire. » La mathématicienne anime en particulier le cours « projet de recherche », qui permet aux étudiantes et étudiants de s’initier à la recherche en apprenant par exemple à lire les publications liées aux disciplines enseignées. L’ENSIIE accueillant majoritairement des garçons, il existe encore d’autant moins de filles attirées par la recherche en mathématiques. Mais Phuong Thuy Vo ne tente pas de les influencer, « l’essentiel est de faire ce qu’on a envie de faire ». En revanche, la mathématicienne s’implique volontiers dans le développement des relations entre l’ENSIIE et le monde académique au Vietnam. « J’ai perçu de très bonnes ondes à mon arrivée ici et bénéficié d’une bourse de la Fondation mathématiques du Gouvernement français qui m’a beaucoup aidée dans ma vie quotidienne. J’aimerais à mon tour recruter des étudiantes et étudiants vietnamiens pour les aider à poursuivre leurs études en France », conclut-elle.
 

Phuong Thuy Vo (c)Christophe Peus