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Raidium : l’IA pour assister les radiologues

Innovation Article publié le 16 novembre 2023 , mis à jour le 16 janvier 2024

Avec ChatGPT, le domaine de l’intelligence artificielle (IA) a fait un grand saut en avant et conquis le public, fasciné par ce nouvel outil. S’inspirant de ce modèle, la start-up Raidium souhaite développer une IA capable d’assister les radiologues dans la détection de maladies. Une tâche complexe, mais qui pourrait sauver des vies. Focus sur cette jeune pousse.

Au début des années 2020, une nouvelle génération d’intelligence artificielle (IA) voit le jour et un changement de paradigme au niveau du machine learning (apprentissage automatique) se développe. Pierre Manceron, ancien élève de CentraleSupélec et de l’ENS Paris-Saclay, et le radiologue Paul Hérent exercent tous les deux pour Owkin, une licorne de technologie médicale. « Nous nous sommes dit que cette start-up ne traitait pas assez de radiologie et je ne voulais pas changer de métier. Pierre avait une curiosité pour ces thématiques, il y a eu une convergence d’intérêt », explique Paul Hérent. Ils profitent alors de l’attractivité de l’IA pour se lancer dans l’aventure de la création de start-up, spécialisée en radiologie. Dès octobre 2021, ils y travaillent à temps plein et fondent officiellement Raidium en janvier 2022.

Coupler image et texte

Aujourd’hui, les radiologues peuvent lancer jusqu’à six scanners par heure, là où il y a quarante ans, un seul demandait une demi-heure. Si le temps de génération des images s’est largement accéléré, la durée d’analyse, elle, n’a pas changé. Le médecin se retrouve à devoir traiter six dossiers par heure. « Ce que nous cherchons à faire, c’est accélérer le temps d’analyse des radiologues avec un modèle d’IA », ajoute Pierre Manceron. Déjà les médecins sont équipés d’algorithmes de reconnaissance vocale pour dicter les comptes rendus. Le co-fondateur poursuit : « Nous voulons inventer de nouvelles interactions avec l’IA pour faciliter leur travail. Il s’agirait par exemple de générer directement le rapport radiologique, de détecter des anomalies sur les images avec toujours un contrôle du médecin. Il y a de nombreux éléments que le radiologue n’a pas la possibilité d’étudier, comme les volumes (taille des organes, des tumeurs…). C’est une charge mentale très élevée pour les spécialistes, car la quantité de données à examiner est énorme ».

Pour atteindre leurs objectifs, les membres de Raidium utilisent des modèles de fondation. « Ce sont des modèles qui apprennent de façon non supervisée avec une quantité de paramètres qui se compte en milliards. Ces programmes assimilent leur apprentissage grâce à un très grand nombre de données et ils ont la capacité de mélanger des informations de différents types, comme des images et du texte », développe Pierre Manceron. En imagerie médicale, un texte accompagne les clichés et les décrit pour apporter une plus large connaissance médicale. L’apprentissage synergique de l’IA assure une meilleure représentation apprise des données et une précision très importante. Toutefois, cette IA est très complexe à mettre en place et à entraîner.

Un produit polyvalent

« Nous avons récolté beaucoup d’informations, et nous sommes arrivés à un moment où il faut faire une démonstration de notre produit, donner une forme à notre vision », précise Paul Hérent. C’est pourquoi les cofondateurs ont proposé leur modèle lors du congrès français annuel de radiologie le 13 octobre 2023. Le radiologue continue : « Cela nous permet de prouver qu’avec notre modèle nous pouvons faire beaucoup de choses différentes et polyvalentes ». Raidium a ainsi un partenariat avec les hôpitaux parisiens pour s’attaquer aux maladies du foie comme l’hypertension portale (complication majeure de la cirrhose) ou la Nash (stéatohépatite non alcoolique aussi appelée « maladie du foie gras »), qui sont mal diagnostiquées et donc mal soignées.

Le produit développé par la start-up serait également utile dans les cas de cancers. Quand la maladie se répand à plusieurs organes, les analyses sont compliquées, car il faut examiner l’évolution de plusieurs différents types de tumeurs (propres à ses différents organes notamment) et aujourd’hui les IA ne savent pas le faire. « Nous voulons montrer que la nôtre en est capable, commente Paul Hérent. Nous voulons faire un modèle non supervisé pour des cas d’usage non pourvus : réaliser des biopsies virtuelles pour la Nash, prédire de façon non invasive des marqueurs invasifs, mieux évaluer le volume tumoral dans les essais cliniques… Nous souhaitons un outil pour rendre la mesure plus fiable et, par conséquent, rendre la recherche et la pratique clinique plus efficaces. »

Des partenariats variés

Pour compléter ses bases de données gigantesques, Raidium se devait de collaborer avec des hôpitaux. Elle est notamment partenaire du centre d’imagerie du Nord, à Saint-Denis (Seine-Saint-Denis). Mais elle est aussi incubée par Paris Biotech santé de l’hôpital Cochin, à Paris et à CentraleSupélec, avec le programme 21st. « Nous sommes particulièrement contents de ces deux incubations qui se complètent très bien et nous aident à avoir une expertise à la fois en médecine et en mathématiques », se réjouit Paul Hérent. La start-up bénéficie également d’une subvention de la BPI (Bourse French Tech Emergence).

En juin 2023, la start-up a lancé sa première levée de fonds, dont le montant reste secret. Divers business angels, ainsi qu’un fonds orienté biotech, y ont contribué afin de financer la recherche. « Grâce à ce premier tour de table, nous avons recruté notre première équipe de recherche et développement. Nous sommes désormais sept dans l’entreprise, dont six ingénieurs en machine learning qui auront pour objectif de construire le prototype de modèle de fondation. Les profils sont très pluridisciplinaires et viennent tous de grandes écoles », complète Pierre Manceron. D’ici la fin de l’année 2023 ou début 2024, les cofondateurs lanceront une nouvelle levée de fonds afin de rendre leur prototype plus précis. Ils souhaitent également ouvrir un projet de recherche avec des partenaires académiques (APHP notamment) dans le cadre d’une thèse Cifre.

Pierre Manceron résume ainsi les prochains objectifs de la start-up : « Nous recherchons des partenariats avec des industriels dans le domaine pharmaceutique, en plus de celui que nous avons déjà, afin de générer un premier prototype en phase avec notre vision. Nous voulons également créer une usine à biomarqueurs et aborder des cas d’usages cantonnés à quelques spécialistes. Le but est de démocratiser l’expertise en radiologie ».