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Stéphanie Baumberger : Valoriser les agro-ressources

Portrait de chercheur ou chercheuse Article publié le 28 janvier 2022 , mis à jour le 28 janvier 2022

Stéphanie Baumberger est professeure en chimie verte à AgroParisTech et responsable de l’équipe de recherche Apsynth au sein de l’Institut Jean-Pierre Bourgin (IJPB – Univ. Paris-Saclay, INRAE, AgroParisTech). Spécialiste des lignines, elle s’intéresse à la structure et aux propriétés des polymères végétaux : elle développe à ce titre une approche intégrée de la valorisation des ressources agricoles.

Après un cursus en classe préparatoire biologie et une formation d’ingénieur dans le secteur des industries agro-alimentaires à l’ENSIA, Stéphanie Baumberger décide, à la fin des années 90, de consacrer une thèse à l’élaboration et la caractérisation de matériaux composites combinant amidon et lignine, deux polymères issus de ressources agricoles. Ses travaux démontrent qu’il est possible d’exploiter le caractère hydrophobe des lignines pour contrôler la dégradabilité de films d’amidon destinés à l’emballage. « Alors que ma formation initiale m’orientait vers les sciences des aliments, je me suis intéressée dans le cadre de cette thèse aux usages non alimentaires des ressources agricoles, avec comme fil conducteur la compréhension des relations structure-fonction des biopolymères », explique l’enseignante-chercheuse. Des travaux pionniers et un pivot fondateur puisque c’est à cette thématique de la valorisation des agro-ressources que Stéphanie Baumberger décide alors de consacrer ses recherches et ses enseignements. 

En parallèle de sa thèse, elle commence, en tant qu’attachée d’enseignement et de recherche contractuelle à l’Institut national agronomique Paris-Grignon (INA P-G), à développer de nouveaux cours, dont un enseignement de terrain délocalisé en Champagne-Ardenne. Très vite convaincue des bienfaits de la synergie entre recherche et enseignement, elle candidate et obtient le poste de maîtresse de conférences à l’INA P-G en 2000. Côté recherche comme côté enseignement, elle creuse alors pendant une dizaine d’années son sillon autour de la thématique de la valorisation non alimentaire des ressources agricoles, avec une transition décisive vers la bioraffinerie. Et en 2013, elle obtient un poste de professeure en chimie verte à AgroParisTech. 

 

Le projet européen ZELCOR, tremplin vers le trophée « Les étoiles de l’Europe » 

La même année, Stéphanie Baumberger décide de franchir un nouveau cap en se positionnant au niveau européen. Grâce à une construction collective impliquant des acteurs publics et privés, elle obtient en 2016 un financement de l’Union européenne pour le projet ZELCOR, comportant 17 partenaires et dont l’objectif est de transformer des déchets de bioraffinerie issus du bois et des pailles en bioproduits à haute valeur ajoutée pour l’industrie des plastiques, des cosmétiques ou de la chimie. « Alors que les travaux de mon équipe s’inscrivaient initialement dans une logique de récupération et de valorisation des déchets de l’industrie papetière, nous avons pu, grâce aux nombreuses interactions que nous avons eues avec des industriels désireux d’utiliser des bioproduits sûrs, évoluer vers une approche de chimie verte tenant compte des contraintes environnementales. »

Si ces partenariats avec les représentants de l’industrie permettent au projet ZELCOR d’aboutir à des résultats appliqués répondant aux attentes du monde socio-économique, le projet n’en génère pas moins de nombreuses connaissances scientifiques : à la clé, une vingtaine d’articles paraissent dans des revues internationales en biotechnologies, chimie durable et sciences des matériaux. « Concilier la recherche de résultats appliqués et le développement de connaissances plus fondamentales est un moteur de l’équipe. Ce défi, nous le relevons notamment grâce aux outils analytiques de pointe (RMN, spectrométrie de masse, modélisation) dont nous disposons à l’IJPB. Ainsi, tout en élucidant les mécanismes moléculaires de dépolymérisation des lignines, nous avons pu proposer un procédé innovant de production d’antioxydants d’origine naturelle basé sur l’utilisation de liquides ioniques », précise Stéphanie Baumberger. Une approche spécifique et des résultats qui lui valent en 2021, au titre de coordinatrice du projet ZELCOR, le prix spécial du jury dans le cadre du trophée « Les Étoiles de l’Europe ».

 

Des enseignements innovants : vers toujours plus d’interculturalité

En parallèle de ses travaux de recherche, Stéphanie Baumberger décide au milieu des années 2010 de se lancer dans le montage d’un master européen. Déjà responsable du parcours « Bioraffinerie – Chimie verte » d’AgroParisTech, elle se lance avec l’équipe pédagogique du parcours et le pôle Europe de l’école dans la construction d’un programme de formation Erasmus + en bioéconomie et obtient le financement du projet en 2019 : le master conjoint Erasmus Mundus Bioceb est né. « Après avoir porté mes recherches au niveau européen, j’avais vraiment envie, côté enseignement, d’aller vers plus d’interculturalité et de proposer des formats pédagogiques innovants pour permettre aux étudiants de se confronter à une plus grande diversité d’approches et de méthodes. » 

Coordonné par AgroParisTech et l’Université Paris-Saclay, en partenariat avec l’Université de Liège, l’Université technologique de Tallinn (Estonie), l’Université de Aalto (Finlande) et l’Université de Reims Champagne-Ardenne, le master Bioceb vient d’accueillir sa deuxième promotion en 2021. À travers un programme de mobilité internationale sur deux ans, les étudiants et les étudiantes se préparent aux enjeux mondiaux de la bioéconomie et bénéficient d’une pédagogie majoritairement fondée sur la démarche de projet. « C’est pour moi une vraie satisfaction de voir certains de mes étudiants et étudiantes irriguer les différents programmes de recherche en cours dans nos domaines, et réaliser leur projet de carrière à l’international. »

 

Interdisciplinarité, synergie et partenariats pour fil rouge

Aussi bien dans ses recherches que dans son enseignement, Stéphanie Baumberger a toujours à cœur de créer des ponts et d’encourager les synergies. « Je crois profondément aux vertus du décloisonnement, que ce soit entre les disciplines, comme dans mon équipe de recherche où interviennent des chimistes organiciens, des physico-chimistes et des biochimistes, qu’entre les chercheurs et chercheuses académiques et les industriels dans le cadre de projets de recherche co-construits, ou tout simplement entre les cultures au sein de programmes internationaux. Je suis convaincue que c’est en renforçant ce dialogue et cette ouverture que nous serons à l’avenir en mesure d’ouvrir de nouveaux fronts de recherche et de préparer au mieux nos étudiants et nos étudiantes aux problématiques du monde qui les entoure », ajoute la chercheuse, qui n’hésite pas à introduire des ateliers de théâtre dans ses enseignements scientifiques.

 

La volonté de transmettre

Après dix ans d’engagement dans la construction et la coordination de projets au niveau européen, Stéphanie Baumberger aspire plus que jamais à « transmettre », et ce dans tous les sens du terme. « Je souhaite consacrer davantage de temps à l’accompagnement de mes étudiants et étudiantes dans la construction de leur parcours, en exploitant le réseau international du master, notamment les très nombreux partenaires stratégiques associés. J’aimerais notamment mettre en place des thèses en cotutelles avec des partenaires extra-européens pour travailler à l’exploration de ressources agricoles et forestières diversifiées. Il me semble par ailleurs important d’assurer un passage de relai auprès des jeunes chercheurs et chercheuses de mon équipe pour le montage et la coordination de projets. Ils bénéficieraient de mon expertise en la matière et cela me permettrait de dégager du temps pour une autre de mes passions : la valorisation des connaissances », ajoute la chercheuse.

Coordinatrice d’un ouvrage paru en 2020, intitulé Chimie verte et Industrie agroalimentaire, finaliste du prix Roberval, Stéphanie Baumberger assume aujourd’hui son envie d’écrire. « Forte de mes 30 ans de recherche et d’enseignement, je me sens prête à exploiter mon expérience pour communiquer davantage et œuvrer à la diffusion des savoirs », conclut l’enseignante-chercheuse.