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TheraPanacea : favoriser grâce à l’intelligence artificielle la qualité et l'accès aux traitements contre le cancer, et au–delà

Innovation Article publié le 16 juin 2022 , mis à jour le 20 juin 2022

La start-up TheraPanacea est le fruit de plus quinze ans de recherches au sein de CentraleSupélec et d’Inria Saclay en partenariat avec l’Institut Gustave Roussy. Elle a pour ambition de repousser les limites de la radiothérapie grâce à une solution d’optimisation de soins en oncologie. 

Créée en 2017, TheraPanacea utilise les mathématiques, la physique, l’intelligence artificielle et les données de traitement pour développer une suite logicielle d’interprétation des données médicales (principalement tirées de l’imagerie) pour standardiser, faciliter et optimiser la mise en place de traitements oncologiques en parcours thérapeutique. Il s’agit d’un produit constitué de plusieurs briques fonctionnelles, dont deux sont déjà certifiées et commercialisées en Europe et aux États-Unis. Elles sont basées sur des algorithmes qui standardisent les protocoles de décisions thérapeutiques, d’implémentation et de suivi de traitements des patients et patientes, ce qui améliore la qualité et l'accès aux soins de pointe. Cette approche a déjà permis de traiter un patient sur cinq en France en 2021, soit 40 000 individus dans une cinquantaine d’hôpitaux publics ou privés. « Notre solution offre aux patients et patientes la possibilité de bénéficier du meilleur traitement possible parmi ceux accessibles aujourd’hui, et ce, qu’ils et elles se rendent dans un grand hôpital ou un petit centre de province », déclare Nikos Paragios, fondateur et directeur de la start-up. Ce professeur de classe exceptionnelle en mathématiques appliquées à CentraleSupélec est aussi le fondateur et l’ancien directeur du Centre de la vision numérique (CVN – Univ. Paris-Saclay, CentraleSupélec) et de l’équipe-projet Galen d’Inria Saclay. Ses trois thématiques de recherche de prédilection sont l’imagerie médicale, l’apprentissage statistique (ou intelligence artificielle) et la vision par ordinateur - qui consiste à interpréter des données issues de caméras et d’appareils photo.

La genèse de la success story

En 2014, suite au diagnostic de plusieurs cas de cancer dans son entourage, Nikos Paragios s’intéresse aux différents traitements disponibles sur le marché. Il réalise que la radiothérapie, utilisée dans 60 % des cas, est encore très perfectible. « Je me suis dit que les mathématiques pouvaient changer la donne et que la standardisation ou l’automatisation des soins représentait une très forte valeur ajoutée au domaine de l’oncologie. » La même année, son laboratoire obtient une aide de la Fondation Digiteo pour effectuer une étude de marché et tester le potentiel commercial de son idée. En 2015, il démarre les discussions avec la SATT Paris-Saclay qui lui octroie un financement pour accélérer le développement du projet. Celui-ci débute en 2016. 

De nombreux financements et récompenses

La start-up suit un développement fulgurant grâce à plusieurs financements publics, une levée de fonds et la participation à plusieurs concours : le concours I-LAB 2016 du ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation, et le concours d’innovation numérique de la Banque publique d’investissement (BPI) en 2017. En 2018, la société lève 3,5 millions d’euros auprès de Therinvest. Elle obtient aussi en 2019 un financement de 2,5 millions d’euros dans le cadre du très sélectif programme européen Horizon 2020 SME Phase II Instrument. Et le caractère inédit et innovant de sa technologie lui vaut de recevoir de nombreuses récompenses : le Prix de l’innovation de la ville de Paris en 2017, le AI Challenge Paris Region en 2018, ou encore le prix start-up EDF Pulse en 2019.

Proposer un meilleur plan de radiation

Le premier produit de la start-up, ART-Plan, certifié et commercialisé depuis 2019, offre la possibilité d’améliorer le plan de radiation et de réduire la toxicité des traitements radiothérapeutiques. Car les rayons utilisés aujourd’hui, même s’ils ciblent avec précision les cellules cancéreuses pour les éliminer, détruisent aussi tout ce qui se trouve sur leur trajectoire, notamment parfois des organes sains appelés également organes à risque. En réalisant un modèle numérique du type et de la forme de la tumeur à soigner - c’est-à-dire un jumeau numérique en 3D – il est possible d’optimiser la gestion des rayons et d’éviter les organes à proximité. « Dans le cas d’une tumeur au cerveau par exemple, on ne doit surtout pas toucher le nerf optique, au risque de générer une cécité. » Cela donne aux hôpitaux la capacité, entre autres, d’accélérer la prise en charge des patients et patientes, et de réduire les délais. Les centres de cancérologie Gustave Roussy et Léon Bérard en témoignent d’ailleurs : grâce à cette solution, le premier a mis en place en une semaine un inédit protocole de soins du cancer du sein, et le second a réduit le délai entre la première acquisition d’image et la mise en place du traitement, passé de deux à quatre semaines à une semaine. Le produit pallie également le manque de personnel que rencontrent de nombreux hôpitaux pour l’examen des résultats d’analyses en automatisant cette étape. « La réduction du délai de préparation du plan de traitement peut aller jusqu’à 95 %. »

Accélérer les choix de traitement

La deuxième brique logicielle de TheraPanacea, certifiée et disponible depuis 2021, concerne l’évolution anatomique du patient ou de la patiente, restituée via les données acquises par l’imagerie et collectées à chaque étape du traitement. Grâce à cette étude longitudinale, les médecins observent facilement l’inflammation des organes et leur changement de forme, mais aussi les cas où le corps ne répond pas au traitement prescrit. Ils peuvent ainsi rapidement ajuster les thérapies. « Traiter le cancer signifie réagir de manière très rapide à son évolution. Et faire un mauvais choix d’approche, ou trop tardif, peut être fatal. Il faut donc prendre la meilleure décision le plus tôt possible. » 

La radiothérapie guidée par IRM 

Le troisième produit de la start-up, qui est en cours de certification et doit voir le jour à l’été 2022, est inédit dans le monde des soins en cancérologie. Il s’agit de réaliser des radiothérapies guidées par IRM et non par scanner comme c’est le cas aujourd’hui. Cela réduit la toxicité des rayons X sur l’organisme et fournit, en plus des renseignements anatomiques, des informations fonctionnelles sur le comportement de la tumeur. Car celle-ci n’est jamais uniforme, elle possède des zones plus agressives que d’autres. « L’utilisation de l’imagerie multiparamétrique permettra un contrôle local de la dose délivrée. Combinée à notre ambition de suivre et d’ajuster les soins grâce à la planification, cela sera un atout majeur pour mieux traiter les patients et les patientes en diminuant les effets secondaires. Tous les hôpitaux avec qui nous sommes en contact manifestent déjà un intérêt pour cette nouvelle brique applicative. »

Une solution pour les maladies neurodégénératives

TheraPanacea n’en finit pas de se diversifier. En décembre 2021, elle se rapproche du groupe pharmaceutique Biogen. Grâce à un investissement de 50 millions d’euros, le partenariat noué vise à développer des solutions thérapeutiques personnalisées pour tous types de maladie neurodégénérative (sclérose en plaques, maladie d’Alzheimer ou encore de Parkinson). Il s’agit de récupérer les données d’essais cliniques réalisés avec différentes molécules et de les faire correspondre avec des phénotypes de patients et patientes, afin de déterminer les thérapies les mieux adaptées à chacun d’entre eux et elles. « Notre tâche consiste à analyser les données et à identifier les molécules qui entrainent des réponses positives chez les patients et patientes, pour leur proposer la meilleure thérapie. » La start-up est aussi en cours de discussion avec d’autres grands groupes pharmaceutiques pour développer ce type de solution dans le domaine de l’oncologie. 

Une start-up débordante d’ambitions

La start-up, hébergée jusqu’en février 2022 à la pépinière medtech Paris santé Cochin, compte aujourd’hui 60 collaborateurs et collaboratrices réparties sur quatre sites (Paris, Lyon, Montpelier et Athènes), dont plus de la moitié sont des ingénieurs et ingénieures en développement de logiciel, en apprentissage statistique et en sciences physiques. Elle compte doubler ses effectifs d’ici dix-huit mois et pénétrer 5 % des sites cliniques en cancérologie les plus innovants au monde d’ici 2025. « Nous imaginons un monde où, grâce à nos algorithmes, chaque patient ou patiente aura une garantie d’accès aux meilleurs soins disponibles parmi tous les traitements existants. »