Aller au contenu principal

Vers une extinction d’espèces dans les îles du Pacifique à cause du changement climatique ?

Recherche Article publié le 02 novembre 2020 , mis à jour le 02 novembre 2020

Une équipe de chercheurs du laboratoire Écologie, systématique et évolution (ESE – Université Paris-Saclay, CNRS, AgroParisTech) a mené une étude pour quantifier l’impact du changement climatique sur ces écosystèmes uniques que sont les îles. En l’absence de mesures directes destinées à préserver la biodiversité insulaire, celle-ci risque de disparaître d’ici 2050, majoritairement au sein de six archipels du Pacifique.

Qui connait la roussette du Pacifique, une grande chauve-souris arborant une toison rousse, ou encore le babiroussa, une sorte de phacochère à peau plissée ? Très peu de personnes probablement, car ces mammifères sont circonscrits à une seule zone géographique, celle des îles de l’océan Pacifique. On parle d’endémisme insulaire. Et comme des milliers d’autres espèces insulaires, ces mammifères endémiques contribuent à la biodiversité terrestre mondiale. Mais cette exceptionnelle biodiversité est aujourd’hui menacée par le changement climatique. D’ici 30 ans, les écosystèmes, dont les îles, auront subi de rapides transformations, entraînant un brusque déclin de la diversité locale des espèces. Dans un tel contexte, il devient primordial d’évaluer la vulnérabilité des écosystèmes insulaires, pour proposer des pistes stratégiques de préservation des populations d’espèces, particulièrement celles endémiques.

Alors que les études évaluant l’impact du changement climatique sur la biodiversité se multiplient, seulement peu d’entre elles se focalisent sur les écosystèmes insulaires. Lorsque c’est le cas, elles se limitent à leur exposition à la menace climatique et n’intègrent pas la réponse des organismes et des écosystèmes à ce changement environnemental. Par exemple, l’isolement géographique des espèces insulaires les empêche de migrer vers des terres plus appropriées à leurs conditions de vie (disponibilité des ressources alimentaires, climat moins chaud…), ce qui limite considérablement leur potentiel de réponse à la menace climatique. Dans le but de mieux comprendre et d’évaluer l’impact de cette menace sur les îles, des chercheurs du laboratoire Écologie, systématique et évolution (ESE – Université Paris-Saclay, CNRS, AgroParisTech) ont étudié la vulnérabilité insulaire en se basant sur plus de 850 espèces de mammifères endémiques.

Une vulnérabilité accrue dans les îles du Pacifique

Afin de classer les espèces et d’identifier les plus vulnérables, le GIEC (le groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat) a défini en 2007 un critère de vulnérabilité.  Cette vulnérabilité dépend du niveau d’exposition de l’espèce à la menace, de sa sensibilité (ou autrement dit sa capacité à résister) au changement climatique et de sa capacité d’adaptation.
En se basant sur les prédictions climatiques de 2050, les chercheurs du laboratoire ESE ont déterminé la vulnérabilité de plus de 300 îles en se basant sur 873 espèces de mammifères endémiques. L’étude prédit que d’ici 2050 toutes les îles et archipels montreront un certain niveau de vulnérabilité au changement climatique qui diffère cependant spatialement. Ainsi, les régions les plus vulnérables se situent dans l’océan Pacifique, plus particulièrement au niveau de l’archipel des Nouvelles-Hébrides, l’archipel Bismarck, l’archipel Malais, la Nouvelle-Calédonie, les îles Solomon et l’île de Sulawesi.

Cette différence de vulnérabilité s’explique par une forte sensibilité et une faible capacité d’adaptation des écosystèmes et des espèces de mammifères endémiques, qui, en raison de leurs régimes alimentaires spécifiques et de leurs longs temps de génération seront moins capables de s’adapter au changement climatique. Des espèces qui seront donc les plus à même de disparaître en raison des modifications climatiques.

Cette étude souligne encore une fois le panorama alarmant des écosystèmes terrestres face au changement climatique. Si aucune stratégie de conservation majeure n’est envisagée, plusieurs espèces insulaires disparaîtront vraisemblablement d’ici 30 ans. En s’efforçant de diminuer l’empreinte carbone et d’augmenter la part de zones protégées, l’issue pourrait en être tout autre. Un espoir pour la roussette du Pacifique et le babiroussa ?


Référence :
Leclerc, C., Courchamp, F., & Bellard, C. Future climate change vulnerability of endemic island mammals. Nature Communications, 11, 4943 (2020).