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CiTHERA, un nouveau laboratoire pour l’industrialisation des cellules souches à usage thérapeutique

Innovation Article publié le 02 septembre 2021 , mis à jour le 06 septembre 2021

Labellisé en avril 2020, CiTHERA Center for iPS THERAPIES (Université Paris-Saclay, Inserm, Université d’Évry) est le premier centre de production de thérapie cellulaire dérivée de l’ingénierie de cellules souches pluripotentes de grade pharmaceutique. Au Genopole (Evry), CITHERA coordonne l’infrastructure nationale INGESTEM, qui est adossée à l’unité Modèles de cellules souches malignes et thérapeutiques (ONCOSTEM – Université Paris-Saclay, Inserm) à Villejuif. Depuis août 2020, le centre est reconnu Intégrateur Industriel par le Plan de relance grand défi pour accélérer le transfert technologique vers les essais cliniques. 

Découvertes en 1998, les cellules souches embryonnaires (ESC) humaines, obtenues à partir d’un embryon en stade précoce, ont la capacité de se démultiplier à l’infini et sont pluripotentes, c’est-à-dire qu’elles peuvent se différencier en n’importe quel type de cellules (sanguines, nerveuses, osseuses…). Leur potentiel pour la thérapie cellulaire est immense car elles constituent un réservoir quasi inépuisable pour remplacer des cellules défaillantes, que ce soit pour régénérer un organe, rétablir une fonction biologique ou éliminer des cellules cancéreuses. 

En 2006, le chercheur japonais Shinya Yamanaka (prix Nobel de médecine en 2012) révolutionne la recherche autour des cellules souches. « Il a montré, d’abord chez la souris, qu’on pouvait se passer de l’embryon et partir de cellules adultes reprogrammées pour obtenir des cellules à pluripotence induite. Puis l’année suivante, il l’a fait à partir de fibroblastes humains (cellules de peau), explique Annelise Bennaceur-Griscelli, directrice du centre CiTHERA et qui travaille sur les ESC humaines depuis 2004. Cette technologie a été un vrai tournant. » À l’instar des ESC, les cellules à pluripotence induite (iPSC) ont la capacité de se reproduire à l’infini et d’aboutir à tous types de cellules, mais ne posent pas de questions éthiques liées au prélèvement d’embryon. 

 

Modéliser des pathologies pour mieux les soigner

Les ESC sont utilisées comme modèles cellulaires pour l’étude de maladies génétiques incurables, tandis que les iPSC, provenant de la reprogrammation de tout type cellulaire permettent de modéliser toutes les maladies génétiques constitutionnelles et somatiques comme les cancers.

Grâce à une technique de mise en culture 3D, ces cellules souches pluripotentes reconstituent des tissus complexes, appelés organoïdes. Dans le cadre du cancer, ces organes on-the-chip, analogues à de mini-reins, -cerveaux, -poumons… aident à élucider les mécanismes de transformation et de progression et à identifier de nouveaux biomarqueurs et médicaments. « Notre équipe est pionnière dans la modélisation des cancers héréditaires. Les mutations somatiques des cancers peuvent également être reproduites dans ces modèles pour étudier leur fonction et tester les combinaisons thérapeutiques », précise Annelise Bennaceur-Griscelli. 

 

La montée en puissance de la recherche fondamentale

En 2006, « il y avait déjà plus de 150 lignées embryonnaires disponibles aux États-Unis, alors qu’en France il n’y en avait aucune. Le pays affichait un retard considérable », se souvient la directrice de CiTHERA. Elle ramène des États-Unis des lignées d’ESC pour monter la plateforme, aujourd’hui appelée ESTeam Paris-Saclay, qui dérive les premières lignées française ESC à partir d’embryons surnuméraires, en collaboration avec le Pr René Frydman. Après la découverte de S. Yamanaka, l’équipe se lance immédiatement dans la reprogrammation. Elle met en place les outils et protocoles pour dériver des lignées iPSC humaines, en reprogrammant des cellules sanguines à la place des fibroblastes de la peau. ESTeam se spécialise ensuite en oncohématologie et dans la modélisation des cancers pour découvrir de nouvelles cibles. 

En 2009, l‘unité Modèles de cellules souches malignes et thérapeutiques (ONCOSTEM – Université Paris-Saclay, Inserm) voit le jour afin d’ouvrir de nouveaux champs de recherche autour des cellules souches malignes et thérapeutiques. Adossée à ESTeam, ONCOSTEM développe les organoïdes 3D dérivés d’iPSC de différents cancers (leucémie aiguë myéloblastique, glioblastome, cancers du rein, poumons et sein) et génère des cellules CAR (chimeric antigen receptor), c’est-à-dire des cellules hématopoïétiques (lymphocytes T, NK, macrophages) et mésenchymateuses, en vue de thérapies cellulaires en immuno-oncologie ou contre des pathologies inflammatoires.

De 2012 à 2020, ESTeam coordonne également l’infrastructure nationale de recherche INGESTEM labellisée par le Plan investissements d'avenir. Cette plateforme vient structurer la filière de recherche encore émergente en regroupant plusieurs laboratoires français autour de la reprogrammation cellulaire, la différenciation et l’ingénierie tissulaire pour les modélisations pathologiques et les thérapies cellulaires et géniques.

 

De la recherche aux essais cliniques

Le centre CiTHERA, Center for iPS THERAPIES, est l’aboutissement d’un projet de plusieurs années pour passer de la recherche à la production de lots standardisés d’ESC et d’iPSC et au développement de médicaments de thérapie innovante (MTI). 

Il est situé au Genopole, à Évry, dans un bâtiment de 1 500 m² soumis aux BPF (bonnes pratiques de fabrication) et comprend trois salles blanches de production d’iPSC en grade clinique. Genopole - premier biocluster en France entièrement dédié aux biothérapies et au développement des industries de biotechnologie - « résonne avec l’intérêt du projet car il y a un écosystème intéressant entre l’Université Paris-Saclay et de nombreuses entreprises et start-up », précise Annelise Bennaceur-Griscelli.

 

Une structuration au cordeau

Hotte CiTHERA

CiTHERA vient faire le liant fonctionnel avec ONCOSTEM afin de passer les ESC et iPSC du grade recherche à une matière première à usage pharmaceutique. Un transfert qui requiert des solutions technologiques industrielles pour l’amplification à grande échelle et la qualification des lots cellulaires d’un point de vue pharmaceutique.

Afin d’assurer ces missions, le centre est structuré en trois pôles. Un pôle « R&D » axé sur l’innovation pour le développement des CAR-thérapies, approches vaccinales des cancers et organoïdes 3D. Un pôle « Production » axé sur la construction d’une banque nationale de cellules iPSC de grade clinique, et la production des MTI à partir de cellules allogéniques et universelles réduisant le risque de rejet immunologique. Un pôle « Qualité » chargé de développer les standards internationaux, la stabilité génomique et les « potency tests » qualitatifs et fonctionnels des produits cellulaires thérapeutiques. L’obtention des accréditations pharmaceutiques, escomptée pour fin 2022, est une étape clé avant de passer aux essais cliniques de phase I/II.

 

Des missions et occupations annexes

CiTHERA valorise également ses recherches par la création de start-up. Créée en 2018, IPSIRIUS, une spin-out de l’Inserm et de l’Université Paris-Saclay, a par exemple reçu le prix ILAB la même année pour développer des produits d’immunothérapies actives issus d’iPSC et réaliser les premiers essais cliniques.

Membre du comité de pilotage du projet Restore Horizon chargé d’unifier et renforcer le développement des biothérapies à l’échelle européenne, l’équipe de CiTHERA fait aussi partie du conseil d’administration du consortium international Global Alliance for IPS Therapies (GAIT) qui rédige une feuille de route des standards internationaux pour cadrer le développement des futures biothérapies. « Nous échangeons énormément en amont avec les agences règlementaires, telles que l’EMA (Agence européenne des médicaments) et la FDA (Food and Drug Administration), pour leur faire comprendre ce que nous faisons. Il y a un vrai partage des connaissances », ajoute Annelise Bennaceur-Griscelli.

En association avec l’Accélérateur de recherche technologique en thérapie génomique (ART-TG - Inserm), CiTHERA est depuis août 2020 un intégrateur industriel MAGENTA (Manufacturing Cell And Gene Therapy Advances) labellisé par le Conseil de l’innovation dans le cadre du grand défi « Biomédicaments ». « Le rôle des intégrateurs est de trouver des solutions technologiques avec des start-up et des industriels pour accélérer les processus de production et de contrôle. Ce partenariat ouvre la voie vers de nouvelles synergies afin de trouver des solutions innovantes », conclut Annelise Bennaceur-Griscelli.

 

Références :