Aller au contenu principal

IUMTEK : un instrument pour analyser la matière en profondeur

Innovation Article publié le 29 mars 2024 , mis à jour le 29 mars 2024

À la croisée entre la photonique et l’intelligence artificielle, la start-up iUMTEK développe des instruments de pointe. Avec la possibilité de détecter et de quantifier tous les éléments du tableau périodique de Mendeleïev, à partir d’échantillons ou même directement au sein du procédé de production, la technologie proposée promet de répondre aux questions des industriels œuvrant dans un contexte d’économie circulaire.

En octobre 2017, l’ingénieur Ronald Berger-Lefébure crée la start-up iUMTEK, en partenariat avec CEA Investissement, une filiale du CEA qui est également la co-fondatrice de cette start-up avec laquelle elle possède un contrat d’exploitation de brevets*. « À l’origine, nous étions quatre salariés et nous nous sommes rencontrés au cours d’une expérience professionnelle précédente, développe le président-fondateur d’iUMTEK. Nous avions envie d’apporter des solutions instrumentales, basées sur la photonique et l’intelligence artificielle (IA), afin de contribuer aux préoccupations mondiales : l’accroissement du taux de recyclabilité (batteries Li-ion…) et les circuits courts, la lutte contre les risques (par exemple surveillance des sites SEVESO) et la pollution (nanoparticules, contrôle des fumées…), l’optimisation des productions industrielles et de l’extraction minière de matériaux critiques et stratégiques, le développement d’une chimie verte et d’un nouveau nucléaire. »

Lauréate en 2019 du concours i-Lab du ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, iUMTEK est, l’année suivante, labellisée Greentech par le ministère de la Transition écologique. Hébergée pendant deux ans par IncubAlliance, l’incubateur technologique du campus Paris-Saclay, elle devient en 2020 l’une des quatre premières entreprises à rejoindre Accelair, l’accélérateur de start-up deeptech du Groupe Air Liquide. En 2023, elle intègre le Scale’up campus de CentraleSupélec, à Gif-sur-Yvette. Suite aux travaux de rénovation de ce dernier, iUMTEK s’installe au nouveau 503, le centre d’entrepreneuriat et d’innovation de l’Institut d’Optique Graduate School, et réside désormais à Orsay. Au-delà des accompagnements proposés par les structures d’accueil fréquentées, iUMTEK bénéficie du soutien de BPIFrance, de Team France Export, de la French Tech Paris-Saclay, du pôle de compétitivité Systematic Paris-Région et de la Région Île-de-France.


Une technologie combinant photonique et IA

Forte actuellement d’une dizaine d’employés et comprenant également des stagiaires et un doctorant, la start-up conçoit et fabrique des instruments de mesure basés sur la technologie LIBS (Laser Induced Breakdown Spectroscopy). Cette technologie identifie et quantifie les atomes de tous types de matériaux. « Pour fonctionner, notre instrument produit un faisceau laser qui entre en interaction physico-chimique avec la matière et crée un plasma. Les spectres émis et détectés contiennent une multitude de raies d’émission. Les longueurs d’onde sont enchevêtrées, voire recouvertes par d’autres raies d’éléments chimiques plus émissifs. C’est le machine learning qui permet une interprétation fiable et reproductible et réduit le niveau d’incertitude », explique Ronald Berger-Lefébure. Grâce à leurs 25 années d’expérience cumulées dans le domaine, les membres de l’équipe parviennent à déterminer avec précision quel algorithme est le plus adapté à la situation, afin d’identifier et de quantifier les éléments chimiques sélectionnés.
Les données collectées sont gigantesques. En effet, l’instrument est capable d’effectuer des mesures dans des environnements divers et variés, et d’étudier les 118 éléments du tableau période des éléments de Mendeleïev. Les échantillons ne requièrent aucune préparation préalable et peuvent être réalisés quel que soit l’état (liquide, solide ou gazeux) du matériau analysé.


Des analyseurs « à domicile » 

La technologie plaît puisque la jeune entreprise a déjà vendu des analyseurs LIBS, baptisés TX 1000, à des laboratoires de recherche et développement en France, mais aussi en Israël et aux États-Unis.

La technologie LIBS, basée sur l’optique, est capable d’effectuer des analyses à distance, et ce jusqu’à plusieurs mètres. Un atout non négligeable puisque dans le cadre de certaines activités à risque, comme la radioactivité ou les bains de fusion, les mesures doivent obligatoirement être réalisées à distance. Si nécessaire, « il est possible de déporter l’ensemble de la technique LIBS par fibre optique, dans le but d’obtenir une sonde d’analyse légère (≈ 1,5 kg) susceptible de se dérouler sur plusieurs mètres de rayon autour de l’instrument et de permettre ainsi des examens dans des zones plus difficiles d’accès », explique le président-fondateur de iUMTEK.

Enfin, l’instrument a aussi la possibilité d’être installé sur une ligne de production, afin de réaliser des mesures en temps réel. L'objectif est de suivre un flux et d’aboutir à du monitoring. « Nous souhaitons mettre sur le marché un système dix à trente fois plus rapide que d’autres méthodes. Notre outil est capable d’analyser in situ les matériaux et d’identifier des atomes non repérés par les instruments de mesure classiques », ajoute Ronald Berger-Lefébure.


Au service de l’économie circulaire

Avec de telles capacités, iUMTEK recouvre un champ d’analyse particulièrement important. « Nous voulons embarquer cette technologie au cœur des procédés industriels, afin de les optimiser, à chaque étape, dans une démarche d’économie circulaire. Cela concerne par exemple le nouveau nucléaire, les véhicules électriques, à travers la détection du lithium dans le cycle de fabrication et le traitement des batteries, la filière de l’hydrogène verte ou encore le recyclage du cuivre. Ces analyses éviteront un gaspillage de matière première et d’énergie et trop d'émissions de dioxyde de carbone en aval », précise Ronald Berger-Lefébure.

Dans un grand groupe, la start-up est capable d’installer son outil en l’espace de douze mois, le temps que la hiérarchie valide la pertinence des campagnes d’analyses, d’intégrer la technologie et de réaliser les tests in situ. Même si la mise en place prend du temps, le jeu en vaut la chandelle : « Ceux qui ont des problèmes de qualité de production et de rentabilité ont conscience de ce que l’on peut leur apporter. Il ne faut pas hésiter à nous solliciter. Nous avons une approche de co-développement qui bénéficie à tous », assure le président-fondateur.

Au cours du premier semestre 2025, iUMTEK lancera une levée de fonds de trois à cinq millions d’euros auprès d’investisseurs de la deeptech/ cleantech.

*iUMTEK exploite cinq brevets portant sur la technologie LiBS du CEA (dont un en commun avec ORANO).

 

Principe de la technique LIBS, extrait de L'Édition n°23. (c)Université Paris-Saclay / Atelier Corbin