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Jean-Pierre Hermier : l’optique de nanocristaux semi-conducteurs

Portrait de chercheur ou chercheuse Article publié le 26 septembre 2022 , mis à jour le 07 octobre 2022

Jean-Pierre Hermier est un physicien, spécialiste de nanophotonique quantique. Il est enseignant-chercheur et mène ses travaux de recherche au sein du Groupe d’étude de la matière condensée (GEMaC – Univ. Paris-Saclay, UVSQ, CNRS) dont il est également le directeur-adjoint. Il est aussi directeur-adjoint recherche de l’Institut des sciences de la lumière de l’Université Paris-Saclay. 

Au début de ses études supérieures, Jean-Pierre Hermier est attiré par l’astrophysique. Chemin faisant, il découvre la physique quantique et ses développements en optique et en sciences des matériaux, en particulier semi-conducteurs. En 1996, il obtient son DEA de physique quantique à l’École normale supérieure. Après son service militaire, il prépare une thèse au Laboratoire Kastler Brossel portant sur les fluctuations quantiques de l’intensité des faisceaux lumineux émis par des lasers à semi-conducteurs. Il la soutient en 2000.

En 2001, il est recruté comme maître de conférences à l’Université Denis Diderot. Ses travaux s’orientent alors vers les nanocristaux semi-conducteurs colloïdaux, étudiés en tant que sources de photons uniques. En 2006, il devient professeur à l’Université de Versailles - Saint-Quentin-en Yvelines (UVSQ) et rejoint le Groupe d’étude de la matière condensée (GEMaC). De 2010 à 2015, il est membre junior de l’Institut universitaire de France : « une belle reconnaissance des "pairs" scientifiques », déclare-t-il.

Au GEMaC, un laboratoire qui a pour vocation d’étudier des propriétés physiques fondamentales de matériaux, Jean-Pierre Hermier est responsable de l’axe nanophotonique quantique. « Nous étudions les propriétés quantiques de la lumière émise par des nano-objets et leur couplage avec des structures photoniques. »

 

Des nanocristaux à la coquille épaisse

En 2006, il entame une collaboration avec l’équipe de Benoît Dubertret au Laboratoire de physique et d'étude des matériaux (LPEM) de l’École supérieure de physique et de chimie industrielles de la ville de Paris (ESPCI Paris). Ensemble, ils parviennent en 2008 à synthétiser des nanocristaux avec un cœur séléniure de cadmium (CdSe) entouré d’une coquille de sulfure de zinc (ZnS) et à faire varier de façon contrôlée l’épaisseur de cette coquille. Leur prouesse est de réussir à fabriquer des coquilles épaisses sans aucun défaut. Cela réduit de façon drastique le scintillement des nanocristaux qui est, jusqu’alors, leur principal défaut et vient empêcher leur extinction totale. « Les nanocristaux sont des petites billes à protéger. Pour y parvenir, l’idée a été de les entourer d’une sorte de "coquille épaisse" constituée d’un autre semi-conducteur. »

À la suite de ce résultat marquant, ils associent ces nanocristaux à coquille épaisse à des structures nanophotoniques ou plasmoniques afin de contrôler leurs propriétés d’émission à température ambiante ou à basse température (4 K ou -269,15 °C). En 2017 et 2020, deux articles publiés par l’équipe montrent une réduction des pertes de luminescence par effet Joule lors d’un couplage des nanocristaux à des structures plasmoniques à basse température.

Depuis plus récemment, cette activité scientifique évolue vers l’étude d’autres émetteurs de photons uniques (des centres colorés) ou l’émission collective par des nanocristaux, l’objectif étant d’obtenir une émission superradiante. « Auparavant, nous observions ces nanocristaux un par un. En les regroupant dans des agrégats entourés d’un nanorésonateur en or, nous recherchons des modes d’émission collective », explique Jean-Pierre Hermier.

Tous ces résultats sont le fruit d’une longue collaboration avec le LPEM qui perdure aujourd’hui. « Je trouve important de mener une recherche sur le long terme. Celle-ci évolue et prend parfois des virages, mais pour s’accumuler, les connaissances doivent être confortées par des moyens récurrents et pérennes. » Et si cette recherche est essentiellement à caractère fondamental, ses applications se situent potentiellement dans des domaines comme l’éclairage.

Avec son équipe, Jean-Pierre Hermier développe également des recherches vers d’autres nanostructures photoniques, à base de matériaux polymères par exemple. En cela, l’ouverture à de nouvelles collaborations avec les laboratoires de l’Université Paris Saclay, comme le Laboratoire Charles Fabry (LCF – Univ. Paris(Saclay, CNRS, IOGS) ou le laboratoire Lumière, Matière et Interfaces (LuMIn – Univ. Paris-Saclay, ENS Paris-Saclay, CNRS, CentraleSupélec), représente de belles opportunités scientifiques.

 

Accompagner les étudiantes et les étudiants

Si Jean-Pierre Hermier poursuit ses recherches dans le domaine de la nanophotonique quantique, — « c’est mon moteur au quotidien » — notamment par l’encadrement de doctorantes et de doctorants, il se consacre également depuis de nombreuses années à l’enseignement et à différentes responsabilités pédagogiques. Pendant sept ans, il est responsable de la licence de physique de l’UVSQ, puis directeur-adjoint de l’UFR des sciences de l’UVSQ pendant cinq ans, et s’implique beaucoup dans l’accompagnement des jeunes en licence. « Cette expérience humaine enrichissante m’a fait prendre conscience d’une autre réalité du terrain. À travers les très nombreux entretiens que j’ai eus avec les étudiantes et étudiants de licence, j’ai mieux appréhendé leurs profils très divers et leurs difficultés durant leurs études, souvent liées à des réalités sociales complexes. »

 

Éclairer les sciences de la lumière

De l’UFR des sciences de l’UVSQ à l’Université Paris-Saclay, il n’y a qu’un pas, que Jean-Pierre Hermier franchit aisément pour devenir le directeur-adjoint recherche de l’Institut de la science de la lumière (ISL). « L’Université Paris-Saclay développe un modèle unique dans le monde : elle offre simultanément un spectre de thématiques de recherche et de formation autour de la lumière très complet et diversifié. Les formations académiques sont proposées en université, en IUT ou en école d’ingénieurs et s’étendent du fondamental au technologique. » Une spécificité qui attire de plus en plus d’étudiantes et étudiants internationaux.

La présence du synchrotron SOLEIL et d’une multitude de plateformes sur un même site contribue également à rendre le potentiel de recherche en sciences de la lumière très attractif à l’échelle internationale. Chaque année, une soixantaine de doctorantes et doctorants du domaine obtiennent leur diplôme de thèse. Le principal défi est de coordonner les actions de l’ISL avec les nombreux Objets interdisciplinaires et Graduate Schools qui ont des liens étroits avec l’ISL. « Environ 700 personnes travaillent sur les thématiques des sciences de la lumière. Elles sont reparties dans cinq Graduate schools et participent à huit objets interdisciplinaires ! », commente Jean-Pierre Hermier.

Après avoir identifié l’ensemble des équipes qui composent la communauté des sciences de la lumière de l’Université Paris-Saclay, l’ISL s’attache aujourd’hui à faire émerger les thématiques transverses et à encourager les synergies interdisciplinaires. Parmi les leviers à activer figure, bien sûr, celui des financements, actuellement en cours de définition. « L’ISL se consacre à trouver des moyens pour financer des thèses. Pour moi, il n’existe pas de levier plus pertinent que celui d’avoir un doctorant ou une doctorante qui travaille sur un sujet commun entre deux laboratoires pour faire collaborer ces laboratoires et vivre la recherche. » D’autres projets, comme l’organisation de colloques ou d’écoles d’été, permettront d’encore mieux éclairer… les sciences de la lumière !