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Sébastien Descotes-Genon : dépasser les limites du modèle standard de la physique des particules

Portrait de chercheur ou chercheuse Article publié le 15 juillet 2022 , mis à jour le 21 juillet 2022

Sébastien Descotes-Genon est chercheur au Laboratoire de physique des deux infinis – Irène Joliot-Curie (IJCLab – Univ. Paris-Saclay, CNRS, Univ. Paris Cité) et directeur-adjoint Recherche de la Graduate School Physique de l’Université Paris-Saclay. Il est passionné par l’étude des quarks et leurs interactions, et ambitionne de dépasser les limites du modèle standard.

Sébastien Descotes-Genon effectue des études d'ingénieur à l’École polytechnique et en 1996, il réalise un DEA en physique théorique à l’École nationale supérieure de Paris. En 2000, il soutient sa thèse en physique théorique des particules, réalisée à l’Institut de physique nucléaire d’Orsay (IPNO). Son sujet porte sur l’étude des propriétés des hadrons contenant les quarks légers up (u), down (d) et strange (s), et se concentre sur le rôle de la masse du quark s. Les quarks u et d sont des particules élémentaires constituantes des protons et des neutrons situés dans les noyaux atomiques. D'autres types de quarks, dont le quark s, existent dans la nature, mais ils sont plus lourds, se désintègrent très rapidement et ne s'observent pas dans l’environnement quotidien. Tous sont sensibles aux trois interactions fondamentales (faible, forte et électromagnétique), et l’interaction forte les contraint à rester groupés en hadrons. « J’ai montré que le quark s, par sa masse légère mais non négligeable, pouvait altérer les liens généralement admis entre les propriétés des hadrons strange et celles des quarks les constituant, par exemple leur masse ou leur durée de vie. La question reste actuellement encore ouverte et continue à être étudiée par des théoriciennes et théoriciens effectuant des simulations numériques intensives de l'interaction forte. » Après sa thèse, le chercheur effectue un post-doctorat à l’université de Southampton au Royaume-Uni, puis est recruté au CNRS en 2002, au sein du Laboratoire de physique théorique (LPT).

 

Lier fortement théorie et expérimentation pour étudier les constituants élémentaires de la matière

Le domaine de recherche de Sébastien Descotes-Genon concerne la physique des particules et des hautes énergies, c’est-à-dire la structure de la matière aux plus petites échelles connues. Il s’attèle à comprendre de quoi elle est constituée et comment ses composants élémentaires, dans une très grande gamme d’énergies, interagissent les uns avec les autres pour former la matière de l’environnement immédiat. Pour ce faire, il utilise le modèle standard. C’est-à-dire un cadre théorique développé depuis cinquante ans qui combine la mécanique quantique et la théorie de la relativité, et s’appuie sur des principes mathématiques de symétrie. Puis il met en lien cette vision théorique avec les résultats obtenus lors d’expériences, en particulier celles menées au sein du CERN à Genève (Suisse) qui possède le plus grand accélérateur de particules au monde : le LHC (Large Hadron Collider). En résolvant les équations qui décrivent le comportement des particules et leurs interactions, il vérifie si les prédictions du modèle standard correspondent aux résultats expérimentaux ou si des déviations apparaissent.

 

Les désintégrations des quarks b : comprendre la différence entre matière et antimatière...

Sébastien Descotes-Genon indique que « lors de collisions de très haute énergie entre deux faisceaux de protons, on peut créer de nouvelles particules, ce qui illustre que la matière n'est pas limitée aux seuls quarks up et down ». Parmi ces nouveaux quarks, on trouve le quark bottom (b), particulièrement lourd, sur lequel le chercheur décide d’axer ses recherches à partir de 2000. « Je m’inscris dans cette physique que l’on nomme "physique des saveurs" car elle étudie les différents types de quarks, appelés de façon assez poétique des "saveurs". Elle est à cheval entre l'étude du modèle standard, que je cherche à vérifier, et la physique au-delà de ce modèle ou "nouvelle physique", car je m'intéresse à des comportements inattendus qui dépassent son cadre théorique. » Les données acquises sur le quark b le mènent à étudier les différences de probabilité entre les désintégrations du quark b et de l'anti-quark associé. Sébastien Descotes-Genon montre que les différences observées entre particules et antiparticules correspondent aux attentes du modèle standard, mais ce n’est plus le cas lorsque l’on essaie de relier ces différences à la physique des grandes échelles. « Dans l’histoire de l’Univers, il est difficile d’expliquer le déséquilibre observé entre matière et antimatière en s'appuyant uniquement sur le modèle standard. »

 

... et peut-être atteindre les limites du modèle standard ?

À partir de 2010, le chercheur s’intéresse à des désintégrations rares du quark b, c’est-à-dire inattendues, et potentiellement plus sensibles aux effets de la nouvelle physique. Ce que montre l'expérience LHCb située au LHC, qui mesure plusieurs déviations par rapport au modèle standard. Avec ses collègues, le chercheur montre que ces déviations sont cohérentes les unes avec les autres, et les scientifiques envisagent alors les différents phénomènes physiques à leur origine, comme l’existence d’une nouvelle interaction liée à un boson Z (une particule subatomique) ou de nouvelles particules, les leptoquarks.

 

Une expérience riche d’enseignements

De 2014 à 2018, Sébastien Descotes-Genon ajoute une corde à son arc et s’investit dans l'enseignement. Il intervient au sein du master Noyaux particules astroparticules et cosmologie (NPAC) de l'Université Paris-Saclay, dédié aux futurs théoriciens et expérimentateurs en physique des hautes énergies. « Cette expérience a été très enrichissante car j’ai revu et approfondi des aspects fondamentaux de ma discipline que je prenais pour acquis. Et l’interaction avec les étudiantes et étudiants m’a mis au défi de trouver des réponses pertinentes à leurs questions, ce qui est très stimulant. »

 

Des intérêts convergents mènent à la création de l'IJCLab

En 2014, le chercheur prend la direction du LPT et dès 2017, il initie des discussions avec quatre autres laboratoires du campus-vallée de l’Université Paris-Sud (aujourd’hui Université Paris-Saclay) en vue d’une fusion. Il s’agit du Laboratoire de l'accélérateur linéaire (LAL), de l'Institut de physique nucléaire d’Orsay (IPNO), du Centre des sciences nucléaires et des sciences de la matière (CSNSM) et du laboratoire d'Imagerie médicale neurobiologie et cancérologie (IMNC). Cette réflexion collective est notamment encouragée par les projets communs financés par le LabEx P2IO (Physique des deux infinis et des origines), un des instruments du programme d'investissements d'avenir destiné à soutenir la recherche d'ensemble d'équipes. Elle lui donne l’opportunité d’interagir avec de nombreux chercheurs et chercheuses avec lesquels il était jusque-là peu en contact. « Cela m’a ouvert l’horizon sur les différents métiers de la recherche en physique, que je ne connaissais pas ou peu pour certains. » La fusion intervient en 2020 et donne lieu à la création du Laboratoire de physique des deux infinis - Irène Joliot-Curie, dont Sébastien Descotes-Genon est l’un des deux directeurs-adjoints. Un laboratoire avec un programme de recherche ambitieux en physique de l'infiniment petit comme de l'infiniment grand.

 

La direction-adjointe Recherche de la Graduate School Physique de l’Université Paris-Saclay

Cette même année, Sébastien Descotes-Genon devient directeur-adjoint Recherche de la Graduate School Physique de l’Université Paris-Saclay. La nouvelle structure compte une mention de master de physique avec neuf master 1 généralistes et 21 master 2. La Graduate School réunit plus de quarante laboratoires, environ 4 000 chercheurs et chercheuses, enseignantes-chercheuses et enseignants-chercheurs, ingénieures et ingénieurs, techniciennes et techniciens, doctorantes et doctorants. Elle se structure en trois axes : la physique des deux infinis, la physique des ondes et de la matière, et l’astrophysique. « C'est une nouvelle aventure de construction commune, avec, là encore, de belles occasions de rencontres avec des physiciennes et physiciens d'horizons très différents. »

 

Sébastien Descotes-Genon