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SOUND : le filtrage inverse spatio-temporel pour transformer des surfaces en haut-parleurs

Innovation Article publié le 29 juillet 2021

Le projet SOUND, issu du Laboratoire d'intégration de systèmes et de technologies (List – Université Paris-Saclay, CEA), s’appuie sur une technologie de pointe pour développer un système capable d’intégrer du son à de nombreux types de surface. Ce qui ouvre des cas d’usages très créatifs et prometteurs.

SOUND est porté par Christian Bolzmacher, chercheur au List. Il a pour objectif de rendre multifonctionnels tous types de surfaces tels qu’un écran, une table, une cloison, un pare-brise de véhicule, composés de matériaux passifs comme le bois, la fibre de carbone, l’aluminium ou encore le verre. Il s’inscrit dans la mission du Laboratoire d’interfaces sensorielles et ambiantes du List, qui s’intéresse aux modalités sensorielles du toucher, de l’audition et de la vision, pour mettre au point des technologies améliorant les interactions humain-machine. « En 2016, nous avons commencé à développer une technique de retour vibro-tactile sur les écrans de smartphone », rapporte Christian Bolzmacher. Il s’agit d’un retour haptique localisé - un système tactile qui donne la possibilité aux humains de communiquer avec leur environnement - via une vibration limitée à une partie de l’écran. Elle s’appuie sur une technologie de filtrage inverse spatio-temporel.

 

Le filtrage inverse spatio-temporel

Composé d’un algorithme spécifique, le filtrage inverse spatio-temporel rend possible la localisation des ondes acoustiques dans un matériau non-homogène inconnu en utilisant un ensemble d’actionneurs de type céramique piézoélectrique ou excitateur électrodynamique. La méthode consiste en l’apprentissage par l’algorithme de la propagation des ondes dans le milieu, puis, un filtre inverse à ces ondes est créé et réinjecté au niveau de chaque actionneur. Ce contrôle spatial par filtrage inverse multivoies aide à contrôler localement l’amplitude et la phase d’une ou plusieurs sources sonores. Ce qui permet de compenser le mouvement antagoniste des actionneurs sur une surface, que génèrent la propagation et les réflexions des ondes sur ses bords. 

 

Contrôler le retour sonore

En 2017, le chercheur et son équipe transposent cette méthode pour concevoir des surfaces émettrices de sons. Lorsqu’un haut-parleur surfacique est actif, sa vibration est normalement chaotique. Mais grâce à cette approche, il devient possible de la localiser et de la contrôler précisément, ainsi que le retour sonore. De cette manière, une vibration peut être reliée à un son, et inversement. « On transforme ainsi une surface en haut-parleur, avec la possibilité d’y créer plusieurs zones sonores. » Au-delà de ces avantages fonctionnels, l’intérêt de cette innovation est de réduire le poids, le volume, mais aussi le nombre des dispositifs actuellement utilisés. 

 

Un haut-parleur pour les concepts cars

Avec ce type de surface fonctionnelle plus épurée, un monde d’opportunités créatives s’offre aux designers de systèmes utilisant les sons. Dans le cas des enceintes de voiture intégrées aux portières, SOUND élabore un dispositif qui les libère de nombreuses contraintes techniques. « Nos hauts parleurs font économiser entre 80 et 95 % de volume, et sont de 50 à 90 % plus légers que ceux utilisés aujourd’hui. » Les temps de fabrication sont aussi grandement réduits, ce qui commence à intéresser des constructeurs automobiles de concept cars (voitures expérimentales). Reste encore à améliorer le son via la limitation des distorsions harmoniques, « mais cet obstacle est tout à fait surmontable », assure Christian Blozmacher. Le chercheur s’intéresse par ailleurs à une autre surface de l’habitacle. « Nos travaux concernent aussi la mise au point de tableaux de bord aux boutons invisibles, pour actionner tout type de fonctionnalité à partir d’impulsions tactiles. » 

 

Du laboratoire à l’industrie

Pour transformer le potentiel de cette innovation en projet industriel, Christian Bolzmacher bénéficie en 2019 de l'appel à projets prématuration Poc in labs de l’Université Paris-Saclay. Dans ce cadre, il participe au programme de formation à l’entrepreneuriat Genesis Light mise en œuvre par Incuballiance, qui le sensibilise à la création d’entreprise. « Cette formation est très utile et enrichissante pour se familiariser avec les transferts industriels. » Il réalise aussi une étude de marché afin d’analyser les aspects économiques et de rentabilité du projet. Ses conclusions indiquent notamment que de nouveaux cas d’usages doivent être pensés pour toucher d’autres secteurs que celui de l’automobile. Le chercheur est ensuite accompagné par le Design Spot, le centre de design de l’Université Paris-Saclay, pour les développer. « La perspective d’un designer parvient à donner du sens à une technologie, à imaginer des besoins. » Plusieurs idées sont en effet identifiées et retenues. « Nous avons ciblé le secteur de la domotique et de l’hôtellerie haut de gamme pour lesquels nous envisageons des objets. » Il s’agit par exemple d’appuie-têtes à haut-parleurs intégrés ou de distributeurs automatiques. Un démonstrateur est ensuite mis au point, « c’est une plateforme technologique qui met en évidence les différentes possibilités pour fonctionnaliser et générer du son avec de nombreux types de matériaux ». L’équipe expose ce prototype dans le showroom du List pour susciter l’intérêt des industriels. Le chercheur s’enthousiasme : « SOUND se focalise sur la restitution sonore, mais nous imaginons déjà beaucoup d’autres applications pour cette technologie ».